Dimanche dernier, je suis retourné à la jam session jazz de l'après-midi au Ronnie's Bar dans Soho. Arrivés un peu tard avec Fred, nous n'avons vu que la partie boeuf lors de la deuxième heure (c'est concert en première partie). Et j'ai pris une leçon d'organisation et de direction de jam ! Jay Phelps, le trompettiste et hôte du boeuf, est en train de devenir mon idole !
C'est vrai qu'il est accompagné par des musiciens assez énormes, qui suivent tout, connaissent tout, jouent d'oreille et que les jammers sont du même acabit, mais il dirige l'ensemble avec une discrétion, un goût et une autorité qui me laissent rêveur. Les appels sont discrets, juste un accent de temps en temps et tout le monde suit ! Tout le monde prend sa place et son solo, même lorsqu'un novice arrive, il a l'opportunité de jouer et tout le groupe le met en valeur ! Pour en revenir à Jay Phelps, le fait qu'il manoeuvre l'ensemble à partir d'une trompette (une note à la fois seulement !!! c'est pas comme ces fainéants qui jouent de la guitare !) m'impressionne. S'il est vrai que je n'ai pas l'habitude de ce genre de musique, je ne peux que rester admiratif en comparant la difficulté que j'ai, à l'écoute, à m'accrocher aux métriques (tout le monde casse sa métrique dans son coin, tout en restant au service de l'ensemble) et aux gammes et le relâchement avec lequel ces gars-là jouent. Je pense revenir au Ronnie's Bar à peu près tous les dimanches jusqu'à mi-avril et écouter un peu plus de jazz en live de retour en France. (Amis musiciens, ne vous inquiétez pas et pardonnez-moi si j'essaie de colorer à tout va mes solos et accords dans les semaines qui viennent... sauf avec Get Back bien sûr, restons fidèle à l'esprit lennonien !)
Ensuite, nous sommes allés au Proud Camden. C'est un lieu situé au fond du marché de Camden, à la fois salle de concert, pub, exposition photo. Dans l'une des salles d'expo est située une scène (il y en a une autre dans l'autre salle !) tout équipée (comme partout ici) avec retours, caissons de basse sous la scène, la table et l'ingénieur du son du lieu sont à l'autre bout... Une vraie salle de concert en gros, comme tous les pubs londoniens !
Au programme du soir, je souhaitais écouter un groupe de reprises funk et soul, mais en arrivant vers six heures, il y avait déjà un duo guitare-chant-violon qui jouait des reprises type pub de France. Sympa et forcément je m'imagine à leur place ! Je suis donc allé les voir et ils m'ont expliqué qu'il s'agissait d'un concert non rémunéré et que pour rentrer, ils avaient juste envoyé un email avec l'adresse de leur myspace ! (le lendemain à la première heure, j'ai fait de même... wait and see !)
Nous avons ensuite assisté à l'installation du groupe du soir. Claviers, basse, guitare, batterie, flûte et sax et une chanteuse. Comme d'habitude, pas de balance, juste un check instrument par instrument et c'est parti. La chanteuse n'a même pas testé le micro avant de commencer ! Surprenant, mais ça marche (à peu près...)
Le groupe est bon, style disco et funk, le son est bon, beaucoup de basses (une vraie salle de concert je vous dis !) mais il manque quelque chose pour me faire rêver...
Un groupe comme celui-là en France n'aurait aucun souci pour tourner 200 fois par an et gagner beaucoup d'argent, mais là, au Proud Camden, à la fin du premier set, le bassiste prend un seau à champagne vide et va collecter de la monnaie dans le public !
En sortant de Camden Town, nous nous sommes enfin arrêtés au Blues Kitchen, où nous avions assisté la veille à un concert de rockabilly qui ne m'a laissé que peu de souvenirs (beaucoup trop de bières samedi !) pour écouter un peu une jam session blues. Mais là, bien que ça joue correctement, lorsque le groupe entame la version de Crossroads de Cream mais sans l'exubérance de la section rythmique, le génie de Clapton, ni les paroles de la chanson, nous rentrons nous coucher !
Lundi, je suis allé faire un tour au Spice of Life à Soho, un pub très classe qui organise des soirées open mic tous les lundis au sous-sol. Comme partout, tout est sonorisé par un ingénieur du son maison, les gens se branchent et jouent. Pour les soirées open mic, chaque groupe/artiste a droit à deux chansons (reprises, compos, en live ou sur bande...)
Les premiers groupes de la soirée sont extrêmement mauvais, mous, avec des compos sans aucune mélodie sur les trois accords qui tournent en boucle pendant 6 minutes minimum. Qui plus est, la plupart chante faux ! Quand les gens parlent pendant les chansons, on leur demande de se taire, le silence est complet aussi pendant les mises en place et les applaudissements sont polis et mesurés à la fin de chaque passage. Je suis particulièrement content d'être debout, ça m'empêche de m'assoupir.
Puis vient le grand moment de la soirée : LE sosie d'Elvis ! (la vidéo sur YouTube est de mauvaise qualité, désolé) Il est vieux et statique, il “chante” Burning Love et Johnny B. Goode, mais juste les fins de phrases puisqu'il ne connait pas les paroles, sa lèvre bouge sans cesse d'avant en arrière pour imiter les mimiques du King ou retenir son dentier, je ne sais pas. C'est soit le pire sosie du monde, soit une tentative d'imitation d'Elvis tel qu'il serait aujourd'hui (et alors, c'est particulièrement plausible). A la fin de sa performance, il fait le tour de la salle et serre les mains de tout le monde en demandant aux gens leurs impressions.
La suite de la soirée est un peu meilleure, un peu plus juste, un peu plus mélodique, mais toujours aussi fade et molle. La semaine prochaine, j'y vais avec ma guitare et je me reprends un bide en essayant de les faire bouger !!!
Aujourd'hui mardi, je suis allé faire la manche (busking en anglais) tout seul avec ma guitare !
Depuis deux jours, je me documente sur le net pour savoir ce qui est autorisé, les risques, les possibilités de gains, les bons spots... Ce matin je me suis rasé pour ne pas ressembler à un sans-abri qui mendie, j'ai mis des vêtements chauds et propres (comme d'habitude Maman !) pour projeter une image d'artiste qui ne vit que pour sa passion (et pas pour l'argent surtout) et qui ne rêve que de partager des moments musicaux d'exception avec le plus grand nombre de gens. Je suis allé à la sortie de la station de métro de South Kensigton (quartier français et riche) du côté des musées (quartier fréquenté par les touristes) et après avoir pris une grande inspiration, je me suis lancé.
J'ai joué Here Comes the Sun, rien ne s'est passé, pas de vigile énervé pour me faire dégager, pas de nouvelle pièce non plus dans mon étui de guitare (j'avais pris soin d'en laisser une poignée pour que le premier ne croie pas qu'il est justement le premier à me sponsoriser)... L'indifférence générale.
J'ai embrayé sur The Letter, sans plus de succès puis sur Wild World et là, miracle ! 20 pence !
J'ai continué à jouer pendant 1h10 environ, en enchaînant les morceaux. J'ai reçu de l'argent dès que je jouais un rock 'n' roll ou une vieille chanson des Beatles ou des Stones, j'ai été seul le reste du temps. Seuls deux enfants se sont arrêtés et sont restés du début à la fin en haut de l'escalier. Vers la fin, ils ont été rejoints par une dizaine de leurs potes et trois d'entre eux sont descendus l'un après l'autre pour me laisser un peu de monnaie alors que j'étais en train de jouer deux compos juste pour pouvoir me vanter d'avoir fait la manche à Londres avec mes propres chansons. J'ai donc rajouté deux vieux rockabilly et ils ont à moitié dansé. En partant, pour les remercier, j'ai voulu leur offrir un cd de démo de reprises, qu'ils ont fini par accepter, non sans me remettre une pièce dans l'étui en s'excusant de me laisser de la monnaie polonaise ! (j'aurai donc bientôt une démo en Pologne !!!)
Le bilan financier de cette session est de 6 livres et 67 pence, 51 centimes d'euros et 7 zloty ! 9, 71 euros en 1h 10 ! Pas grandiose, mais ça me paiera ma soirée concert de ce soir !
Le bilan psychologique est bien meilleur ! J'ai surmonté mes appréhensions, avec personne dans mon dos pour me pousser, m'encourager ou me retirer de la pression. J'ai pris beaucoup de plaisir à chanter (ça faisait longtemps sans jouer !), ça m'a fait répéter. J'ai essayé de sourire aux gens, c'est assez gratifiant comme sensation ! Il y a bien sûr une impression bizarre qui arrive quand quelqu'un dépose une pièce dans l'étui, on se sent un petit peu comme un chien qui reçoit une friandise après avoir fait le beau, ça ne contribue pas à flatter l'ego. Mais d'un autre côté, c'est la même chose en concert “traditionnel”, on joue pour le regard des autres, c'est juste plus criant en faisant la manche. A l'opposé, le point très positif de l'interaction directe, c'est qu'on voit tout de suite quand on est efficace ou pas. Et ça laisse une multitude de possibilités à explorer pour augmenter le contact entre les passants et soi, pour attirer l'attention sans être agressif. Je comprends vraiment pourquoi tant de gens disent que c'est la meilleure école. J'y retournerai, c'est sûr !
1 commentaire:
Annexe au bilan financier : il convient de retirer des bénéfices les 70 pence que j'ai mis dans l'étui pour amorcer la pompe !
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