2012-11-27

"Parallélismes inexplicables"

Aujourd'hui j'ai lu à droite et à gauche et comme par magie, tout m'a semblé se lier et se compléter !

J'aime beaucoup Francis Bacon, le peintre (qui n'a aucun rapport avec Kevin). Dans un livre de Luigi Ficacci chez Taschen qui lui est consacré, le premier chapitre qui parle de son oeuvre s'intitule "La poétique de Francis Bacon". C'est illisible. C'est de la critique d'art qui me dépasse complètement mais comme il n'y a que deux pages de texte entrecoupées de grandes reproductions de tableaux qui, eux, me parlent, j'ai relevé le défi d'aller au bout de la lecture.

2012-09-26

Turquetto et Cunningham

J'ai fini il y a quelques jours Le Turquetto, un roman de Metin Arditi. Le Turquetto est un peintre, aujourd'hui tombé dans l'oubli, dont la vie se déroule entre Constantinople et Venise au XVIè siècle.

La première partie est vive, se lit rapidement, presque sans y prendre garde, sans non plus laisser une impression tenace. La deuxième partie, pareil, mais on commence à être pris dans l'intrigue et entraîné par le style, à notre insu. Puis on dévore la suite et on finit le livre à regret, et une semaine après, il continue de vivre en nous, autonome, et à nous hanter la nuit...

Un autre livre que je viens de terminer m'a marqué mais différemment : Le Livre des Jours de Michael Cunningham. A la différence du Turquetto, j'ai eu conscience d'être happé et transformé par celui-ci dès les premières pages.

J'ai acheté le livre aux puces, par hasard, juste intrigué par la quatrième de couverture et il est possible que le plaisir que j'ai eu à le lire ait été augmenté par la quasi ignorance de ce que j'allais y découvrir justement.

Michael Cunningham a écrit il y a plus de 15 ans Les Heures, l'histoire de 3 femmes qui vivent à des époques différentes, liées entre elles par le roman de Virginia Woolf, Mrs Dalloway. Il y avait eu une adaptation cinématographique qui avait cartonné et dont j'avais vu, il me semble, les 20 premières minutes, avant de m'endormir... Si je m'étais rappelé cela en attrapant Le Livre des Jours dans l'étal, jamais je ne l'aurais acheté. Encore une confirmation que les livres sont souvent meilleurs que les adaptations au cinéma. Et puis ça me fait penser aussi de ne plus juger un auteur sur un film tiré d'un de ses romans. D'ailleurs, je pense que je vais rapidement aller acheter Les Heures et le lire. Et Mrs Dalloway aussi, vu l'attrait qu'exerce sur moi le Stream of Consciousness depuis que j'ai lu La Ville et les Chiens de Mario Vargas Llosa... mais là je m'égare en me la pètant un peu, c'est vrai...

Bref, sans vous raconter l'histoire, Le Livre des Jours est encore divisé en 3 parties, avec 3 personnages principaux différents à chaque fois et vivant à des époques différentes, mais reliées entre elles par pas mal de choses comme New York, un bol, des prénoms similaires, Whitman et beaucoup d'autres plus subtiles que je n'ai pas fini de démêler (le bonheur des livres qui continuent de se lire en esprit longtemps après qu'on les ait refermés !)

La première partie se déroule dans le New York de la Révolution Industrielle. C'est sombre, oppressant, tragique, et en même temps poétique et lumineux. La deuxième partie est un thriller terroriste, toujours sur le fil entre suspense et onirisme et la troisième partie est de la science-fiction, mais pas celle stéréotypée dans laquelle l'auteur commence son récit par 3 phrases remplies des mots inventés qui sonnent sci-fi pour bien planter le décor (« Ce matin-là, en se réveillant, il alluma son holotorp afin de vérifier la lumitech. Rien n'avait bougé. Encore une journée à grésiller des neurosynapses sous les trois soleils de Barichda-34 ») Au contraire, tout au long du roman, l'écriture est fluide et naturelle, changeante et adaptée à chaque style littéraire, mais l'ensemble est d'une cohésion troublante qu'on ne perçoit vraiment qu'une fois le livre terminé.

La poésie est omniprésente, par le biais de citations de Whitman, dans la perception qu'ont les personnages de leur environnement, mais surtout dans l'écriture de Michael Cunningham. Parfois même, et surtout dans la première partie, la simple sonorité des mots employés participe presque plus à l'atmosphère que le sens des phrases, le son donne plus de signification que le fond. (j'ai lu le livre en français, il faudrait le lire en VO pour préciser tout ça, mais quoiqu'il en soit, la traduction est géniale, merci Anne Damour)

Quant au fond justement, tous les personnages sont complexes, plus ou moins en fuite, en crise, on ne sait rapidement plus vraiment qui sauve qui, ni comment, ni pourquoi, on se retrouve en tête à tête avec l'émotion, comme devant un tableau. (justement ça me fait penser au Cri de Munch, j'ai été happé par le roman, comme par ce tableau, sans vraiment tout comprendre au niveau du sens, c'était de l'émotion pure...)

En lisant Le Livre des Jours, je me suis justement souvenu de l'émotion que j'avais ressentie en lisant les dernières pages de Lunar Park de Bret Easton Ellis. Des mots et des phrases qui ont un sens, mais dont la juxtaposition donne encore plus de sens que leur signification immédiate. J'ai conscience de parler d'émotion pure, et donc difficile à retranscrire d'une part, difficile à faire partager d'autre part. Il est probable que vous ne serez pas touchés par les mêmes oeuvres d'art que moi et pas de la même manière, mais bon...

En parlant de Lunar Park (que je vais sûrement relire bientôt aussi du coup, tiens !), c'est de l'autofiction. Le héros du roman a le même nom, les mêmes amis, la même vie que l''auteur du livre. On croirait presque que l'auteur raconte sa propre vie. Mais non, pas du tout ! Et encore moins dans Lunar Park qui part « un peu » dans le fantastique. Mais ça me fait penser à la première question de toutes les interviews d'auteurs qu'on entend à la radio ou à la télé : « Quelle est la part d'autobiographie dans ce roman ? Qu'est-ce qui est vrai ? » La question la plus absurde et énervante du monde.

Quatre réponses pour en finir avec ça (toutes plus ou moins la même à l'arrivée) :
  • La note de Michael Cunningham au début du Livre des Jours (éditions Pocket)
  • La préface du Monde selon Garp de John Irving (éditions Points, préface de 1998 par John Irving)
  • L'épigraphe du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson : « Ceux qui ne savent raconter que la vérité ne méritent pas qu'on les écoute. »
  • Et aussi la mienne : « on s'en fout, ce n'est pas parce que le téléfilm de l'après-midi sur M6 est « basé sur des faits réels » qu'il en devient bon ! »

« Mais le Turquetto, il a vraiment existé, dis ? »

2012-06-27

Remember This Moment, Remember Us

Il y a longtemps, j'étais presque fan de Hanif Kureishi et j'ai lu quelques uns de ses livres, en anglais. J'avais acheté un recueil de nouvelles, The Body, que j'avais bien appréciées à l'époque. En quatrième de couverture, une journaliste du Daily Mail faisait en particulier l'éloge d'une nouvelle (dont le titre est celui du post) qui racontait l'histoire d'un couple de parents qui enregistrent un message vidéo à l'intention de leur fils, encore un bébé, qu'il regardera une fois adulte.

2012-06-16

Ecrire ?

"Pour quoi faire, écrire ? Pour séduire ? C'est ça ? Pour séduire les inconnus, comme si les connus ne te suffisaient pas ? Pour t'imaginer rassembler la quintessence du monde en quelques pages ? Quelle quintessence à la fin ? Quelle émotion du monde ? Quoi dire ? (...) Ecrire, c'est rater."
Fred Vargas dans "L'homme aux cercles bleus"

2012-06-05

Crossroads

J'avais jamais été le genre de type à chercher les histoires, mais là, j'étais à bout… Depuis cinq ans qu'on tournait soir après soir dans tous les juke-joints de l'état, c'était la première fois que l'atmosphère était aussi lourde. Vernon et Stan ne s'adressaient plus la parole, chacun trouvant l'autre trop suffisant et puant. Mais ils s'accordaient au moins à penser que je chantais faux et que mes solos étaient trop conventionnels. Cinq ans pour s'en rendre compte… Et maintenant le groupe explosait, ils étaient pressés d'en finir, d'avoir une vie comme tout le monde.

Expressions

Quelques expressions que je pense avoir longtemps (et pour certaines encore) comprises de travers. En espérant ne pas être le seul... D'ailleurs, je suis preneur de rectifications en cas de mauvaise interprétation de ma part dans ce qui suit !

"Dans la cour des grands" : en lisant les titres de l'Equipe à chaque fois qu'une équipe ou sportif français réalisait une performance, je croyais que "dans la cour des grands" signifiait que l'auteur de la performance était désormais considéré comme faisant partie du gratin. Mais en décortiquant l'expression, il s'avère qu'il ne ferait partie que de l'entourage proche et un peu lèche-bottes du gratin, non ? A ce propos, "faire partie du gratin" est une expression aussi...

2012-06-04

Jambon et préjugés

Je déteste le papier Vichy qui entoure les tranches de jambon qu'on achète à la coupe chez le boucher. C'est en particulier lors d'un pique-nique récent que j'ai constaté que cette aversion pour l'emballage dérapait même en un préjugé négatif vers le contenu : j'étais presque moins attiré par le jambon en papier rose que par le jambon sous vide !

Du coup, après une courte mais nécessaire séance introspective, j'ai identifié un embryon d'explication !

2012-05-15

Lieux Communs (2)

J'ai vécu la scène suivante au petit déjeuner dans une chambre d'hôtes :

Le propriétaire des lieux, qui s'occupe du service le matin, est un homme d'une cinquantaine d'années, grand, qui a le sens de l'humour provençal : commercial, pas forcément drôle mais puisque c'est dit avec un excès de bonhomie et d'accent et accompagné d'un éclat de rire sonore et feint, ça passe bien.
La salle est aux 3/4 vides, les tables sont dressées en prévision des futurs arrivants, à l'exception de 4 places précédemment occupées par des lève-tôt qui sont déjà repartis. Une femme de 60 ans un peu enrobée arrive, visiblement encore un peu éméchée de la soirée de la veille, lance un bonjour timide à la cantonade et s'assoit justement sur une des chaises encore chaudes du séant des matinaux, devant un fond de café dans une tasse sale avec des restes de pain entamés qui traînent sur la nappe en papier tachée de beurre.