Dimanche dernier, j'ai couru mon
premier semi-marathon. Je me suis lancé ce défi il y a 6 mois, à
la sortie d'un 10km, j'ai ensuite cherché et cherché des compagnons
pour me suivre et nous motiver mutuellement à tenir la cadence des
entraînements, (presque) sans succès. Si bien que je me suis
retrouvé le 10 avril à Cavaillon, au départ, seul, avec un peu
plus de 200 autres coureurs.
La course à pied est vraiment une
discipline paradoxale, à la fois le sport le plus ennuyeux à
pratiquer : quand on court, on ne va pas vite, les paysages changent
peu, même avec de la musique dans les oreilles, c'est long, très
long. Mais c'est aussi euphorisant : parfois (parfois seulement), on a
la sensation de pouvoir courir infiniment, on prend le temps de
regarder à droite, à gauche, en haut, on découvre d'autres points
de vue, et puis on est seul avec ses pensées, et comme juste avant
de s'endormir, on est traversé de fulgurances, d'idées géniales,
on rencontre l'inspiration (et comme juste avant de s'endormir, en
général, il ne reste rien de ces révélations une fois le run
fini, juste le souvenir de la sensation d'inspiration, c'est déjà
pas mal.)
Le running est donc chiant, valorisant,
addictif et chronophage mais c'est aussi un sport impitoyable. Sur
l'aire de départ, dimanche, j'ai réalisé mon âge. D'abord parce
qu'en regardant autour de moi, j'ai pris conscience que c'est un
sport de vieux. La plupart des concurrents à Cavaillon avaient au
moins 45 ans. Et puis aussi parce qu'en m'inscrivant, j'ai été
versé dans la catégorie vétéran ! Mon premier semi et déjà chez
les vieux...
Mon unique et humble objectif dimanche
était d'aller au bout. Mon record de distance jusque là était de
15km (la semaine d'avant). Et pourtant, au départ, j'ai ressenti un
vrai stress. Entre la peur de ne pas réussir à finir, et celle de
terminer à l'agonie, après les derniers, en marchant... Et ce
stress ne s'est pas évanoui avant les 3 ou 4 premiers kilomètres,
le temps que mon cœur batte un peu moins vite, que je sois sûr
d'être dans le rythme, que je ne voie pas trop de concurrents me
passer devant.
Patrick Sébastien est là
Ça s'est calmé aussi quand je me suis
mis de la musique dans les oreilles. Il faut dire que Cavaillon est
festif. Et qui dit fête dans le sud dit peña, donc musique au goût
douteux, interprétée approximativement et sans groove. Et sur la
ligne de départ, l'inévitable peña jouait Le petit bonhomme en
mousse de Patrick Sébastien. C'est le problème quand on court :
pour peu qu'on ait un morceau dans la tête, on le garde. Il reste
bien présent, renforcé par le rythme régulier des foulées. Et
j'avoue m'être senti un peu oppressé par les 4 premiers kilomètres
au rythme du Petit bonhomme dans ma tête... Dieu merci, j'avais de
la batterie sur mon iPhone et j'ai pu changer de disque, je n'aurais
jamais tenu 21 km sinon !
Pour le semi-marathon, nous partions à
9h pour un peu plus de 2 boucles de 10km. Une autre course, le 10km
ne faisait qu'une boucle et démarrait à 9h15. Si bien qu'après
4km120, j'ai commencé à me faire dépasser par les premiers
concurrents du 10km, partis avec 15 minutes de handicap... En fait,
dépasser est un mot un peu faible, à chaque fois qu'un gars me
doublait (et entre 4,120 et 10 km il y en a eu quelques-uns), je
manquais d'être entraîné dans son aspiration, un peu comme sur un
quai, à l'arrivée d'un TGV. Le running est impitoyable.
Alors, pour garder rythme et moral, je
me suis calé dans la foulée des vieux, en me disant qu'ils allaient
être réguliers, et qu'il fallait absolument que j'arrive à les
suivre. Me faire dépasser par des jeunes, passe encore, mais par des
soixantenaires, ma fierté en aurait pris un trop gros coup... (bon,
en fait, plein de soixantenaires sont arrivés avant moi, mais comme
ils étaient partis devant dès le départ, techniquement, ils ne
m'ont pas dépassé, et pendant que je courais, même si j'en étais
conscient, j'évitais soigneusement d'y penser, il faut savoir
momentanément préserver son orgueil parfois, pour aller au bout)
Et les kilomètres ont défilé...
L'ambiance dans les courses de fond est toujours solidaire. Chacun va
à son rythme, mais tout le monde se soutient. Les concurrents
s'encouragent mutuellement, les gars aux ravitaillements ont toujours
un mot gentil... Mais le problème, c'est que sur 21km, à 250,
rapidement, les places se figent, chacun court à sa vitesse, sans se
faire dépasser par ceux qui sont derrière (qui sont plus lents), ni
rattraper ceux qui sont devant (qui courent plus vite). Du coup, on
court seul, vraiment seul. Avec en point de mire 50m devant une
silhouette qu'on ne rattrapera jamais. On est seul, mais c'est là
aussi que ça devient vraiment intéressant. La fatigue monte, on a
l'impression de courir tétanisé et boîteux, c'est dur, mais on se
confronte enfin à ce qu'on est venu sonder : sa volonté. Passé le
15è km, j'ai vraiment souffert, les distances semblaient plus
longues, les jambes plus lourdes, ma tête courait, mon corps
subissait.
Arrivé au panneau 19 km, ça allait un
peu mieux, l'écurie approchait, le suspense disparaissait, quoiqu'il
arrive, j'irai au bout. La démarche était toujours aussi bancale,
mais le plaisir était là, avec presque une petite émotion et une
grosse fierté d'arriver au bout.
Et après ? Une bière avec des potes
cavaillonnais, des courbatures aux cuisses, la joie d'avoir fini, la
fierté rétrospective d'avoir tenu l'entraînement, la certitude de
continuer à courir, mais moins souvent, moins longtemps, juste pour
le plaisir... et puis comme un défi qui pointe doucement mais
sûrement... je pourrais faire mieux au niveau du temps, ou sur une
plus longue distance, ça doit être génial comme sensation de finir
un marathon... je crois que demain, j'irai courir un peu, et puis la
semaine prochaine peut-être je ferai une sortie de 2h, ou 2h15, pour
voir, ou 25km qui sait ?
Bah ouais, en fait, je suis comme tous
ces vieux qui courent le dimanche matin, complètement accro... Dans
50 ans, je passerai donc ma retraite à cavaler, squelettique et
courbé, la bave séchée au coin des lèvres, avec des baskets aux
couleurs pétantes et des shorts cyclistes moulants...
Tiens, le 23 octobre aura lieu le 1er
Marathon des Côtes-du-Rhône... C'est dans 6 mois, ça laisse le
temps de s'entraîner... Des compagnons d'émulation ?
1 commentaire:
Quel courage ! Cela fait des années que je me dis qu'il faut que je me mette à courir. Pour perdre cette bedaine qui devient un vrai putain de gros ventre.
J'entends tout le monde me dire que c'est une drogue, qu'on ne peut plus s'arrêter après... Et pourtant, je n'ai pas couru un mètre depuis des lustres. Toujours une bonne excuse...
Cette fois, ce sera de me dire que j'aurais bien couru avec toi, mais tu habites trop loin...
Bravo quand même.
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