2016-02-24

Madame G.



On continue aujourd'hui le tour des femmes à initiales !

J'aimerais vous présenter Madame G. Elle est petite, la quarantaine tassée, brune, les cheveux frisés, des yeux un peu globuleux qui semblent se projeter en avant pour mieux sonder vos pensées, une voix et une intonation douces, posées, presque molles. Madame G. est sage-femme. Je l'ai rencontrée avec ma femme alors que nous attendions notre premier enfant.

Pour ceux qui n'ont pas la chance de l'avoir vécue, la première grossesse, dans un couple, est une période merveilleusement auto-centrée et égoïste. Le nouveau centre de gravité* familial et intra-utérin prend toute la place. On ne parle que de l'enfant à venir, on prépare ses affaires, son lit, toutes les discussions sont susceptibles d'être brutalement interrompues par une contraction ou un coup de pied, et alors plus rien n'existe : les futurs parents s'extasient devant cette vie qui s'éveille*. S'ensuivent pertes de concentration, indifférence aux problèmes des autres, surdité quant aux conseils extérieurs, réduction extrême des sujets de conversations... Avec le recul, j'aimerais présenter nos excuses à nos amis et familles pour ces quelques mois d'absence intellectuelle, et les remercier d'être toujours là malgré tout !

Comme tous les couples attendant leur premier enfant, nous souhaitions donc le must pour la préparation à l'accouchement. Après quelques heures sur les forums internet, nous avons opté pour l'haptonomie, une méthode d'accouchement en douceur, où le père a une vraie place*, et où l'on n'expulse pas l'enfant du ventre de sa mère, mais où on l'accompagne et le guide vers la lumière de l'amour* de ses parents... Oui, hormonalement, chez les hommes aussi, la grossesse a des conséquences...

Première séance


Notre première rendez-vous avec Madame G. s'est déroulé dans une grande pièce avec des posters de schémas de ventres pleins de bébés et d'injonctions à ne pas fumer ni boire enceinte, des étagères pleines de poupons et de maquettes des os du bassin. Là, pendant une heure, assis sur des gros ballons, nous avons parlé à bâtons rompus de nos enfances, nos rapports à nos parents, nos attentes la grossesse, l'accouchement, la parentalité...



Deuxième et troisième séances


Une semaine plus tard, nous retrouvions Madame G. pour entrer dans le vif de la pratique. Au menu, relaxation, respiration, puis démonstration de l'instauration d'un climat de confiance pour la communication avec bébé**.

Pour ce faire, Madame G. fit sagement asseoir ma femme en tailleur sur une table d'examen, s'installa derrière elle, l'enserra de ses jambes, posa la tête sur son épaule, l'enlaça tendrement et commença à lui caresser le ventre en lui demandant de se détendre. Elle nous tint un discours nous enjoignant de ressentir le bon et de profiter du contact de nos "mains d'amour" avec le "ventre de maman et bébé dedans". Elle nous prescrivit de répéter ces exercices fréquemment...

La troisième semaine arriva la "séance du papa". Ce fut mon tour de m'allonger sur la table d'examen pendant que Madame G. appuyait ses mains sur mon ventre, leur intimait de légères pressions et me demandait d'imaginer mon bébé dans mon ventre se déplacer vers ses mains...

Voilà, voilà.


Ma femme et moi nous sachant l'un et l'autre d'un naturel peu tactile, et plutôt rétifs à la sémantique new age, nous avons, au cours de ces deux séances, délibérément évité de nous regarder. Le moindre croisement d'yeux aurait immédiatement dégénéré en fou rire. Et en sortant de ces séances, nous avons également soigneusement évité de débriefer entre nous, ce qui aurait résulté derechef en un abandon collégial de l'haptonomie.

Séance 4


Nous voilà donc parvenus à notre quatrième entrevue avec Madame G., consacrée aux premières interactions avec le bébé. Ma femme allongée sur la table, moi avec les mains sur son ventre, une pression à droite pour attirer le bébé et... ça marche ! Mon enfant vient se caler tout contre ma paume ! Je passe les 20 minutes suivantes à vérifier qu'il suit mes mains et vient me faire ses premiers calins, j'ai envie de pleurer. En quelques instants, nous oublions le ridicule des premières séances et nous communiquons avec notre fille (que nous croyions fils à ce moment-là, mais c'est une autre histoire...)

Nous n'avons pas pu continuer longtemps à approfondir les techniques d'haptonomie de Madame G., deux semaines plus tard notre fille naissait avec beaucoup d'avance sur le planning. Mais ces premiers contacts furent merveilleux...

Quoiqu'il en soit et bien en retard, merci Mme G. !


*lieu commun bobo-bio-hippie-alter-mondialistes-new age-post-new age, j'ai honte...

 **pourquoi TOUS les forums de discussions, sites internet et TOUTES les sage-femmes omettent-ils l'article défini quand ils évoquent le bébé à venir ? Pour le personnaliser ? Pour faire plus enfantin, donc soi-disant plus attendrissant ? Ou pour renvoyer ironiquement aux futurs parents le ridicule de leur niaiserie béate quand ils parlent de leur fœtus ?

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