On continue aujourd'hui le tour des
femmes à initiales !
J'aimerais vous présenter Madame G.
Elle est petite, la quarantaine tassée, brune, les cheveux frisés,
des yeux un peu globuleux qui semblent se projeter en avant pour
mieux sonder vos pensées, une voix et une intonation douces, posées,
presque molles. Madame G. est sage-femme. Je l'ai rencontrée
avec ma femme alors que nous attendions notre premier enfant.
Pour ceux qui n'ont pas la chance de
l'avoir vécue, la première grossesse, dans un couple, est une
période merveilleusement auto-centrée et égoïste. Le nouveau
centre de gravité* familial et intra-utérin prend toute la
place. On ne parle que de l'enfant à venir, on prépare ses
affaires, son lit, toutes les discussions sont susceptibles d'être
brutalement interrompues par une contraction ou un coup de pied, et
alors plus rien n'existe : les futurs parents s'extasient devant
cette vie qui s'éveille*.
S'ensuivent pertes de concentration, indifférence aux
problèmes des autres, surdité quant aux conseils extérieurs,
réduction extrême des sujets de conversations... Avec le recul,
j'aimerais présenter nos excuses à nos amis et familles pour ces
quelques mois d'absence intellectuelle, et les remercier d'être
toujours là malgré tout !
Comme tous les couples attendant leur
premier enfant, nous souhaitions donc le must pour la préparation à
l'accouchement. Après quelques heures sur les forums internet, nous
avons opté pour l'haptonomie, une méthode d'accouchement en
douceur, où le père a une vraie
place*, et où l'on n'expulse pas l'enfant du ventre de sa mère,
mais où on l'accompagne et le guide vers la lumière de l'amour* de
ses parents... Oui, hormonalement, chez les hommes aussi, la
grossesse a des conséquences...
Première séance
Notre première
rendez-vous avec Madame G. s'est déroulé dans une grande pièce
avec des posters de schémas de ventres pleins de bébés et
d'injonctions à ne pas fumer ni boire enceinte, des étagères
pleines de poupons et de maquettes des os du bassin. Là, pendant une
heure, assis sur des gros ballons, nous avons parlé à bâtons
rompus de nos enfances, nos rapports à nos parents, nos attentes la
grossesse, l'accouchement, la parentalité...
Deuxième et troisième séances
Une semaine plus tard, nous retrouvions
Madame G. pour entrer dans le vif de la pratique. Au menu,
relaxation, respiration, puis démonstration de l'instauration d'un
climat de confiance pour la communication avec bébé**.
Pour ce faire, Madame G. fit sagement
asseoir ma femme en tailleur sur une table d'examen, s'installa
derrière elle, l'enserra de ses jambes, posa la tête sur son
épaule, l'enlaça tendrement et commença à lui caresser le ventre
en lui demandant de se détendre. Elle nous tint un discours nous
enjoignant de ressentir le bon et de profiter du contact de nos
"mains d'amour" avec le "ventre de maman et bébé
dedans". Elle nous prescrivit de répéter ces exercices
fréquemment...
La troisième semaine arriva la "séance
du papa". Ce fut mon tour de m'allonger sur la table d'examen
pendant que Madame G. appuyait ses mains sur mon ventre, leur
intimait de légères pressions et me demandait d'imaginer mon bébé
dans mon ventre se déplacer vers ses mains...
Voilà, voilà.
Ma femme et moi nous sachant l'un et
l'autre d'un naturel peu tactile, et plutôt rétifs à la sémantique
new age, nous avons, au cours de ces deux séances, délibérément
évité de nous regarder. Le moindre croisement d'yeux aurait
immédiatement dégénéré en fou rire. Et en sortant de ces
séances, nous avons également soigneusement évité de débriefer
entre nous, ce qui aurait résulté derechef en un abandon collégial
de l'haptonomie.
Séance 4
Nous voilà donc parvenus à notre
quatrième entrevue avec Madame G., consacrée aux premières
interactions avec le bébé. Ma femme allongée sur la table, moi
avec les mains sur son ventre, une pression à droite pour attirer le
bébé et... ça marche ! Mon enfant vient se caler tout contre ma
paume ! Je passe les 20 minutes suivantes à vérifier qu'il suit mes
mains et vient me faire ses premiers calins, j'ai envie de pleurer.
En quelques instants, nous oublions le ridicule des premières
séances et nous communiquons avec notre fille (que nous croyions
fils à ce moment-là, mais c'est une autre histoire...)
Nous n'avons pas pu continuer longtemps
à approfondir les techniques d'haptonomie de Madame G., deux
semaines plus tard notre fille naissait avec beaucoup d'avance sur le
planning. Mais ces premiers contacts furent merveilleux...
Quoiqu'il en soit et bien
en retard, merci Mme G. !
*lieu
commun bobo-bio-hippie-alter-mondialistes-new age-post-new age, j'ai
honte...
**pourquoi
TOUS les forums de discussions, sites internet et TOUTES les
sage-femmes omettent-ils l'article défini quand ils évoquent le
bébé à venir ? Pour le personnaliser ? Pour faire plus enfantin,
donc soi-disant plus attendrissant ? Ou pour renvoyer ironiquement
aux futurs parents le ridicule de leur niaiserie béate quand ils
parlent de leur fœtus ?
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