24 décembre 2015, je passe le
réveillon de Noël dans ma belle-famille. Nous allons tous assister
à la messe de minuit à 21h à Villefort, petit village de 601 âmes
perdu — au masculin singulier, pas au féminin pluriel sinon ça
change le sens — au fin fond de la Lozère.
Je ne suis pas un fervent catholique.
Ma pratique de la religion est plutôt aérée, voire anarchique.
D'ailleurs, quand j'assiste à une messe, je reste sagement à ma
place pendant l'eucharistie. Je ne m'estime pas assez bon catholique
dans ma pratique pour m'autoriser à communier. J'aurais l'impression
d'être un imposteur qui vient voler le pain des bons chrétiens.
J'adhère aux valeurs portées par la religion : le pardon, le
partage, l'amour et la tolérance... et j'essaie de les appliquer
dans ma vie quotidienne. Parfois, c'est dur, comme quand j'achète
des légumes au supermarché... (et hop, teasing pour le prochain article* !) Mais j'ai un vrai problème
avec la liturgie, trop molle, poussiéreuse et sans vie, alors
qu'elle devrait être joyeuse et festive. Être catholique, c'est un
peu comme supporter l'A.S. Monaco, une belle équipe, une histoire
glorieuse, mais ni public, ni ambiance au stade...
Bref, ce 24 décembre, je suis dans une
église, plus parce que toute la famille y est que par choix, mais
j'espère sans y croire vraiment vivre un moment de partage et
d'émotion.
La théorie
La messe de minuit est théoriquement
la plus joyeuse des messes de l'année, justement parce qu'on y
célèbre plus que d'habitude la venue de Jésus, le super-héros
catho. Et puis, lors de cette messe, les enfants sont particulièrement
intégrés à la célébration, ce qui lui confère un caractère
plus joyeux qu'à l'accoutumée.
À Villefort le 24 décembre, dans
l'église, la moyenne d'âge doit se situer aux alentours de 60 ans.
Compte tenu du nombre important d'enfants présents, je vous laisse
imaginer l'impression visuelle de l'âge des participants...
La messe débute par un chant de
réjouissance (et de circonstance), Il est né le divin enfant.
Comme souvent chez les catholiques, l'assemblée est dirigée
vocalement et gestuellement par une "assistante" (manque de
vocabulaire, je ne connais pas sa fonction exacte dans la hiérarchie
ecclésiale.) Mais rien à voir avec Karajan ! Oh non ! En général
une officiante chante en voix suraiguë en agitant son bras droit en
secousses abruptes plus proches de la crise d'épilepsie que de la
direction d'orchestre pour rythmer le chant. À Villefort,
l'assistante était elle-même assistée d'un organiste.
Le processus comporte 3 étapes :
d'abord, l'organiste joue les premières notes de la mélodie pour
donner la tonalité, puis la chef de chœur entonne le chant et
enfin, l'organiste l'accompagne.
La première étape se déroule sans
accroc. Mais quand l'assistante ouvre la bouche, c'est le drame, les
25% de l'assemblée de moins de 70 ans, soit les pratiquants
"occasionnels" qui ne sont là que parce que c'est Noël,
se retiennent de pouffer. Le timbre vocal est un parfait équilibre
entre ceux d'un canard et d'une scie circulaire, avec en prime
l'accent du fond de la Lozère. Imaginez Daffy Duck dans Daft Punk,
avec la voix vocodée et étouffée sous son casque, qui chanterait :
"il é né le divin infant (...) Chainntonn tous son
avénémin"...
Partant de là, la qualité du
recueillement de l'assemblée des fidèles n'était plus garantie. Le
prêtre a eu beau redoubler d'efforts, faire de grands gestes pour
réclamer des "Amen" sonores, faire participer les enfants
déguisés en bergers, Joseph, Marie (mais aucun en âne ou bœuf ?)
en leur proposant un quiz Nativité, rien n'y faisait. Il faut dire
que malgré toute sa bonne volonté, il lui manquait une qualité
fondamentale : le charisme — on savait depuis longtemps que le
charisme n'avait pas été distribué de façon équitable par le
Créateur, mais il aurait pu servir un peu mieux l'Église
catholique...
Un orchestre du feu de Dieu
Et puis toutes les tentatives du prêtre
étaient sans cesse réduites à néant par la performance de ses
acolytes. L'accent et la nasalité métallique de la voix auraient
bien pu être compensés par la musicalité de l'organiste. Parfois,
dans certains groupes, le faible niveau technique individuel est
masqué par une performance et une cohérence d'ensemble hors du
commun. Je pense aux Beatles dans les années 60, ou au Calais RUFC en 2000...
On aurait ainsi pu espérer que l'organiste complète "The
Voice"... Mais là, non, ils étaient toujours en décalage,
s'attendant l'un l'autre, ce qui ralentissait des tempos déjà très
lents. Et c'est comme ça que nous nous sommes retrouvés avec Douce
nuit ou Il est né le divin enfant qui tenaient plus de la
marche funèbre que du chant de joie...
Ne jetons pas la pierre à l'organiste.
Il n'a pas fait une seule fausse note de la soirée ! Remarquez, pour
en faire, il aurait fallu qu'il en joue un peu plus, des notes. Tout
le long de la messe, il s'est contenté de jouer le thème à la main
droite, et aussi à la main gauche une octave plus bas. Jamais il n'a
essayé d'harmoniser la mélodie, de jouer des accords ou
d'accompagner le chant un peu plus complètement... Parfois, c'est
vrai, il a introduit une pédale
à la pédale (c'est un organiste tout de même). Mais alors, la
plupart du temps il n'a pas marqué les septièmes de dominante
des cadences, sa pédale restait bloquée sur le Ier
degré. Parfois sinon, lorsqu'il respectait les cadences, qu'il pédalait le
V, alors il ne résolvait pas, son pied restait sur le V. Du coup,
pas de musicalité, pas de tempo, pas d'harmonie, pas de cadence...
Et quand on connait l'importance des cadences dans la musique
liturgique...
Le soir du réveillon de Noël, c'est
l'occasion d'attirer dans les églises des personnes qui n'y mettent
jamais les pieds. Et là, distraits par le comique et la mollesse de
la forme, personne n'a écouté le fond. Dommage...
*bon allez, ok, voilà l'article suivant !
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