Un texte mal écrit, mal
structuré, mais spontané...
Un groupe qui fait son
dernier gig, en
général, ne le sait pas. D'habitude ça s'étiole progressivement.
Il joue de moins en moins souvent, 5 concerts par an, puis 2, et un
jour on réalise que ça fait 5 ans qu'il n'y en a pas eu. C'est fini
a posteriori, sans douleur... Là, on savait que c'étaient les
derniers.
Get Back est un tribute
Beatles, comme il y en a beaucoup. Sauf qu'Alain, le batteur a créé
le groupe il y a 32 ans. Et hier soir, c'était la dernière. Je suis
rentré dans l'équipe il y a dix ans pour faire Lennon, en même temps que Nico à la guitare
et Jérôme à la basse.
On a joué dans beaucoup
d'endroits, devant beaucoup de monde, costumés et en perruques,
"Podium style", mais
comme c'était les Beatles, ça passait !
En dix ans, on a eu
quelques frictions, des tensions, des engueulades même, pour des
enfantillages, mais ça ne durait jamais longtemps, tous les gars
avaient de bons fonds...
On a aussi eu quelques
changements dans le line-up, tant du côté musical (Steph, Mika) que
technique (Pat, Claude, Gérard, Jean-Pierre, Daniel...) mais ça n'a
jamais changé l'esprit et l'ambiance du groupe. Quand je vous dis
que tous les gars avaient de bons fonds !
Je me souviens de ma
première fois avec eux. Un concert en Suisse. Départ le matin à 6h
d'Avignon, arrivée 14h, balances, hôtel, beaucoup de temps pour que
le trac monte et monte et monte... Et puis, on jouait pour un gros
comité d'entreprise, dans une très grande salle, avec deux scènes
et des écrans géants derrière qui retransmettaient les
performances en direct. Vraie pression. Et tout ça pour jouer seulement 5
morceaux en un quart d'heure !
On a souvent mal joué,
chanté faux, et approximatif, mais toujours avec le sourire et
l'énergie et à chaque fois on avait au moins une paire de moments
pendant le concert avec le frisson... La magie des Beatles.
Un paquet de souvenirs
reviennent, en vrac...
Flashes
Sur scène, on parlait
anglais, pour faire plus "vrai". Mais j'étais meilleur à
l'écrit. Un soir, en sortie de concert, une copine m'a dit que je
parlais anglais comme un Allemand... Et pourtant, à la fin des gigs
les gens venaient nous demander ce que des anglais venaient faire en
Provence pour jouer de la musique... Ah, les compétences
linguistiques des Français...
Au tout début, on avait
trois micros pour trois chanteurs. Et puis, pour faire plus "Beatles",
on est passé à deux micros, le chanteur lead seul, et les deux
autres sur le même micro pour les chœurs. Mais Get Back c'était
aussi de gros apéros avant les gigs. Et donc des haleines chargées,
même en prenant des Tictacs... Et puis, on ne maîtrise jamais vraiment ses projections salivaires. Cette configuration m'a ainsi permis
de recevoir quelques litres de postillons sur le visage, dans les
yeux, la bouche... et d'en projeter un peu aussi, il faut savoir
donner et recevoir !
À la fin de chaque
concert, nous saluions, en ligne, comme au théâtre. Et lorsque nous
étions penchés en avant, toujours, Nico ou Jérôme sortaient une
plaisanterie. Je peux le dire maintenant, je n'ai jamais saisi le
moindre mot de ce qu'ils disaient... Trop de bruit, les oreilles
saturées de deux heures de son... Mais j'ai ri à chaque fois, juste
pour les intonations et l'incongruité du moment.
En parlant de blagues
incompréhensibles, je n'oublierai jamais la private joke de Nico et
Jérôme (ou Steph) sur certaines chansons, à certains moments
précis, qui sautaient en arrière en faisant les chœurs, juste à
la périphérie de mon champ visuel. Je vous l'expliquerai peut-être, un jour...
Je n'oublierai jamais non
plus les retours en camion. Avec Alain qui conduisait (toujours,
l'homme sans sommeil), Claude et Pat qui dormaient
assis à l'avant, la nuque cassée en deux, Nico recroquevillé en
chien de fusil sur un demi-siège, et Jérôme allongé par terre
sous une vieille couverture qui sentait le chien mouillé. Pas
toujours glamour la vie de musicien...
Et puis il y a aussi ces
concerts que je n'aurais jamais joués sans faire partie de Get Back.
Comme cette fois, devant 5000 mecs ivres habillés en blanc et rouge,
sur la grande scène pendant la feria de Dax. Il suffisait de lever
un bras en l'air pour que les 5000 devant fassent pareil. La griserie
du moment... Sur le coup, je me suis vraiment pris pour une
rockstar... le temps de me rappeler que j'avais une perruque sur la
tête et que je faisais semblant d'être John Lennon ! Mais c'était
bien quand même !
Et tellement d'autres
images, tellement...
Alors oui, c'est toujours
un peu triste un groupe qui meurt, mais on en a bien profité quand
même. Et puis maintenant, Nico va pouvoir laisser sa moustache repousser, Jérôme et moi arrêter de nous raser la barbe et Alain se couper les cheveux !
"Every night, the tears come down from my eyes"
Hier, j'ai passé la
dernière heure du concert dans un état second, joué et chanté en
pilotage automatique, à la fois dans le brouillard et plein de
lucidité, acteur et spectateur, j'avais vraiment envie de profiter
de tout ça une dernière fois.
Pendant le rappel, sur
Hey Jude, comme je ne rentre qu'au deuxième couplet, j'ai pris le
temps de regarder les autres, Jérôme au piano, Nico avec la basse
et Alain derrière nous, les volutes de la machine à fumée presque
immobiles dans l'air devant le micro quand je le rejoins pour
l'harmonie du dernier couplet. Puis la coda, la dernière, et le
rappel du rappel, le vrai dernier morceau, la reprise de Sgt Pepper,
avec pour la première fois les paroles qui veulent dire quelque
chose. Je joue mal, nous chantons faux, j'ai des frissons, comme
d'habitude, mais pas comme d'habitude...
Alors, que restera-t-il
de tout ça ? Des souvenirs pour plus tard ? De l'amitié ? Est-ce
qu'on se reverra pour ressasser le bon vieux temps, celui qui est
toujours plus brillant après que sur le coup ? Je ne crois pas, je n'ai pas d'illusion, l'inertie est
forte, même avec beaucoup de bons sentiments. Et puis on ne se
voyait pas beaucoup en dehors de Get Back... Mais ça n'empêche pas,
même loin des yeux, tous ces gars, avec lesquels j'ai partagé tant de moments forts, ne
seront jamais très loin du cœur...
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