Dimanche, à 20h on a eu
droit à l'effet de "surprise", le "choc" du FN
toujours plus haut dans les votes et aux portes du pouvoir. Alors
oui, c'est franchement déprimant pour tous les anti-racistes,
démocrates, personnes qui réfléchissent... dont j'espère faire
partie mais c'est loin d'être une surprise, hélas, c'est la même
rengaine à chaque élection depuis 2002 !
Une autre fausse surprise
qui découle des résultats : la prolifération sur les réseaux
sociaux des commentaires stéréotypés. "Bienvenue chez les
fachos", "honte d'être français", "les
électeurs du FN sont des cons" d'un côté, "bien fait
pour l'UMPS", "ils n'ont jamais eu le pouvoir, laissons les
essayer", "Hollande démission" de l'autre. Et puis,
toujours aussi le classique "je ne vote pas pour ne pas soutenir
le système."
Promis, je vais essayer
de ne pas trop être dans la caricature ici, sans garantie de succès.
Halloween en décembre
A chaque élection, c'est
donc pareil, la France joue à se faire peur. À l'instar des rumeurs
d'invasion russe par Poutine, la grippe aviaire et ebola qui vont
nous décimer comme au bon vieux temps de la peste bubonique, on a
maintenant Marine en 2017 ! Si, si c'est possible... C'est sympa,
ces petits frissons, ça égaye un peu les longs dimanches soir
d'hiver. Sauf que c'est plus qu'un hoax, à force de jouer à la
roulette russe, on va prendre une balle perdue.
Not in my name
Je n'ai pas pu m'empêcher
dimanche soir de faire un parallèle entre les amalgames
systématiques récents. Les musulmans sont tous islamistes et
terroristes. Et les français tous racistes et frontistes. J'avais
trouvé déplacées les voix qui s'élevaient pour demander aux
musulmans de se désolidariser des terroristes, comme s'il n'était
pas évident qu'un musulman "normal" ne soit pas un
terroriste.
Comme les 40% de
frontistes dimanche en PACA, je suis français, mais comme les 80% du
reste de la population du sud-est (50% d'abstentionnistes et 60% des
votants) je ne suis pas raciste. Et je n'ai pas à me désolidariser
des racistes, je n'en suis pas. Je n'ai pas à revendiquer ma
différence avec eux. Eux sont différents de moi.
Paranoïa et gueule de bois
Cependant, lundi matin,
entre l'école, la crèche, les courses au supermarché... j'ai
croisé et salué beaucoup de personnes, échangé beaucoup de
regards et beaucoup de sourires. Tout le monde était très poli,
attentif aux autres, les sourires n'étaient pas victorieux ou
optimistes quant à l'avenir, mais un peu gênés, interrogateurs.
Dans les yeux des autres, j'ai cru lire la question : "Et toi,
tu es des 40% ?" J'étais sûrement un peu parano, et les autres
croyaient probablement déceler la même interrogation dans mon
regard, mais le mal est fait, la suspicion est là.
C'est un peu comme après
une soirée beaucoup trop arrosée, quand on se réveille à côté
de quelqu'un qu'on ne connait pas, dont on ne se rappelle pas le
prénom, on ne sait pas exactement ce qui s'est passé la veille et
on se demande si on ne vient pas de coucher avec la personne la plus
con du monde... Le jour d'après.
Dans l'après-midi j'ai
du sortir ma carte bleue. Ce geste toujours douloureux pour le radin
que je suis l'a été plus encore cette fois-ci. Après avoir voté
dimanche, je n'avais pas remisé ma carte d'électeur au fond de mon
portefeuille. Déjà qu'elle sort peu, si je ne la laisse pas
respirer l'air de la liberté entre les deux tours... En prenant mon
portefeuille pour en extraire ma carte bleue lundi, ma carte
d'électeur est donc tombée par terre et mon premier réflexe a été
de penser que la personne en face de moi allait me croire
bas du Front. J'ai vite ramassé et escamoté la carte et j'ai
eu honte. Puis honte d'avoir honte.
Je n'ai pas envie d'avoir
honte pour les racistes de France, pas envie d'avoir à me justifier
pour des propos et des idées que je réprouve. Je me répète : je
suis français et je ne suis pas raciste, et je n'ai pas à
l'affirmer ou à me justifier. Et je viens pourtant de le faire.
Malgré moi, je commence à m'hashtatouer #NotInMyName sur le front
(sans jeu de mot ce coup-ci).
Le meilleur est à venir...
Quels que soient les
résultats du deuxième tour, ce sera pire dimanche. Moins de
candidats, moins de dispersion des votes, encore de gros scores FN.
Ne parlons pas de l'ambiance s'ils gagnent, mais même s'ils se
ramassent, on repartira pour un tour de commentaires et
justifications. Avec en prime l'autosatisfaction de la droite qui
n'aura pas un mot de remerciement ou de reconnaissance pour les
désistements qui les auront parfois fait élire (cf 2002).
D'ailleurs, à propos des
choix politiques divers qui s'offrent : retrait, fusion, barrage,
maintien... les options sont complexes et les stratégies
discutables. Je n'ai pas les armes politiques et intellectuelles pour
avoir un vrai avis sur la question, mais chacun se retrouve face à
sa conscience et ses responsabilités, et quelle que soit la voie
choisie, du courage sera nécessaire pour l'assumer. Enfin de la
vraie politique, discutable et polémique, mais authentique !
J'appréhende juste un petit peu le retour rapide des manœuvres
politiciennes (2017 arrive vite), la victoire de la forme sur le fond
(la récupération personnelle de victoires collectives, cf 2002
encore, ou le rejet de la faute sur les autres et la recherche
stérile de responsabilités) et surtout la banalisation toujours
croissante de l'isolationnisme, du repli, du rejet des autres.
Mais jusqu'ici tout va bien...
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