Au programme du jour, de la
pseudo-analyse musicale.
Dans un groupe pop ou rock basique, on
peut dénombrer au minimum 3 éléments : la batterie, la basse et la
guitare. La batterie est plus particulièrement en charge de l'aspect
rythmique de la musique, la guitare, de l'aspect harmonique, et la
basse oscille entre les deux, fait le liant rythme-harmonie.
Ok, ok, c'est très basique et
caricatural, mais bon, ça va servir la suite de mon propos.
Chaque musicien à chaque poste
recherche des sensations différentes et oriente son jeu en fonction
de ses aspirations.
Pour rester dans la caricature, un
guitariste voudra avoir de la place (beaucoup) et du temps (beaucoup)
pour caler ses solos (le pluriel est important) et montrer sa
virtuosité. Un batteur voudra mettre en place des rythmiques mettant
en valeur son jeu. Il va probablement vouloir sortir de l'ennuyeux
mais efficace poum-tchak-poum-poum-tchak traditionnel du rock. Le
bassiste, lui, souffrant du manque de reconnaissance et de la
solitude inhérents au choix initial de son instrument,
caractéristiques très bien dépeintes bien qu'un poil caricaturales
dans l'infographie suivante, le bassiste donc, selon qu'il sera
timide ou expansif, hésitera entre suivre et soutenir le jeu de
batterie, et ainsi quelle que soit l'inventivité du batteur rester
en retrait, ou revendiquer son droit au solo et à la lumière des
pars 64 à leds, comme le guitariste. Parfois, quand la souffrance de
l'isolement est trop forte et les séances de thérapie
comportementales trop rares, le bassiste joue en solo en même temps
que ses compères, mais pas avec, la nuance est de taille. Parfois
même, la douleur est telle qu'il prend des solos par dessus la voix
du chanteur... Après l'inévitable expulsion des bassistes
névrotiques des groupes de pop et de rock qui s'ensuit, deux
opportunités s'offrent alors à eux : redevenir informaticiens
(négation), ou acheter une guitare (escalade). Ces stratégies
d'évitement ne sont que des pis-allers, la seule solution viable en
l'état actuel de la connaissance scientifique restant la
psychanalyse, mais je m'égare...
Dans un groupe, quand les trois
éléments arrivent à s'exprimer chacun autant et de la manière
qu'ils le souhaitent, dans un climat de compromis, de respect, de
tolérance et d'écoute mutuels, nous entrons dans le monde
merveilleux du rock progressif.
Le problème, c'est que le rock prog,
c'est chiant.
Eh oui, il nous manque un quatrième
élément pour analyser un groupe pop ou rock : le public !
Et le public, lui, il s'en fout de
l'épanouissement des membres du groupes. Le public, il s'endort
quand Carlos refait pour la quatrième fois en 30 minutes le même
solo de 6 minutes sur deux accords un peu latins. Le public, quand le
batteur fait un solo et arrête de mettre des accents sur les
deuxième et quatrième temps, ben il arrive plus à taper des mains
sur le premier et le troisième, alors il essaie de continuer de
bouger la tête en rythme (mais où est le rythme, bordel ?) pour
faire genre "je comprends grave ce qui se passe, c'est énorme,
quelle grosse claque !" tout en jetant des regards affolés à
droite et à gauche aux autre gens qui font pareil, puis il pousse
encore un ou deux petits "ouh ouh" bien aigus pour donner
le change, et enfin il va boire une bière à la buvette. Le public,
il ne sait pas qu'il y a un bassiste dans un groupe de rock, il croit
qu'il y a deux guitaristes. Le public, ce qu'il veut, c'est une
mélodie et des paroles simples et un chanteur ou une chanteuse sexy,
le reste, c'est comme le pain, on n'y prête attention que quand le
fromage est dégueulasse...
Ces différences de perceptions de la
musique entre ceux qui la font (ils sont plusieurs, donc avec
plusieurs perceptions) et ceux qui l'écoutent (on les souhaite
nombreux, donc avec une seule perception) ne sont cependant pas
incompatibles. Prenons deux exemples d'éclatement de schémas
musicaux, qui ont été populaires malgré tout : Roxanne de The
Police et Come Together des Beatles.
À chaque fois le couplet de ces
chansons a quelque chose d'original qui fait la signature du titre,
sa caractéristique, un petit truc qui fait que même en n'entendant
qu'une demi-seconde du morceau, on l'identifie tout de suite.
Dans Come Together, c'est le mélange
du riff de basse et de la ligne de batterie qui fait la différence
dès l'intro. Puis durant les couplets, la basse ne change pas et la
batterie joue un beat uniquement sur la grosse caisse et le tom
basse. La guitare est absente, puis très traditionnelle à partir du
deuxième couplet.
Dans Roxanne, c'est la basse et la
grosse caisse qui changent tout dans les couplets. Au lieu
d'accentuer les temps 1 et 3, elles marquent la deuxième croche du
premier temps et le deuxième temps. La guitare reste traditionnelle
(tous les temps marqués) et la caisse claire aussi (2 et 4).
Par contre, dans les deux morceaux,
quand on arrive au refrain, on revient à quelque chose de connu avec
des caisses claires sur les afterbeats (2 et 4) et des basses en
croches.
Et à mon avis, c'est cette alternance
d'originalité et de tradition qui fait que ça marche. On est
heureux d'entendre des motifs inédits sur les couplets mais aussi
soulagés de revenir à un schéma connu sur les refrains, un truc
sur lequel on peut taper des mains, danser, sans compter les temps ou
calculer les cycles. C'est le retour au traditionnel qui met en
valeur l'originalité des couplets !
Avec uniquement de l'original, on
décroche, et avec seulement du traditionnel, on s'ennuie... Y'a plus
qu'à mélanger les deux pour écrire un tube, mais pourquoi n'y
ai-je pas pensé plus tôt ?
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