Jour 2
Ce matin, j'ai trouvé une ramette de papier et deux stylos bille sur
la petite table. Alors j'ai commencé à écrire, sans savoir
pourquoi ni pour qui. Il faut bien passer le temps. Je me suis
réveillé hier dans cette petite pièce, trois mètres sur trois
environ. Pas de fenêtre, des murs blancs, un lit scellé au mur,
dans un coin une cuvette WC et
un lavabo avec un distributeur de savon liquide, une table et une
chaise accrochés ensemble comme les vieux pupitres d'écoliers, le
tout également fixé au mur.
Un néon au plafond diffuse
une lumière agressive, chirurgicale. La porte close n'a pas de
poignée. Juste une petite trappe en bas, comme une chatière,
verrouillée de l'extérieur et par laquelle ils me font passer les
repas. "ils". Qui sont-"ils" ?
J'ai beau tourner et retourner la question, je n'en ai pas la moindre idée. Avant-hier soir, j'étais seul chez moi. Je me suis couché après avoir visionné un épisode de Prison Break, j'ai réglé mon réveil sur 6h30, pas de rendez-vous prévu, mais j'avais décidé de reprendre ma vie en main et tout commençait par un footing matinal en bord de Seine. Puis je me suis endormi... et réveillé là, dans cette pièce inconnue. Mes vêtements étaient posés au pied du lit. Je me suis habillé à la hâte, j'ai essayé d'ouvrir la porte, puis j'ai paniqué. J'ai appelé au secours, crié tant que j'ai pu, rien ne s'est passé. J'ai alors repéré un plateau de petit déjeuner sur la table. J'ai mangé en essayant de réfléchir à ce que je faisais ici, enfermé dans ce qui ressemblait de plus en plus à une cellule. Impossible de me rappeler quoique ce soit de la nuit, pas de mal à la tête, je n'avais pas la sensation d'avoir été drogué, mais forcément, pour me transporter ici dans mon sommeil... Je n'ai pas fini le petit déjeuner.
J'ai beau tourner et retourner la question, je n'en ai pas la moindre idée. Avant-hier soir, j'étais seul chez moi. Je me suis couché après avoir visionné un épisode de Prison Break, j'ai réglé mon réveil sur 6h30, pas de rendez-vous prévu, mais j'avais décidé de reprendre ma vie en main et tout commençait par un footing matinal en bord de Seine. Puis je me suis endormi... et réveillé là, dans cette pièce inconnue. Mes vêtements étaient posés au pied du lit. Je me suis habillé à la hâte, j'ai essayé d'ouvrir la porte, puis j'ai paniqué. J'ai appelé au secours, crié tant que j'ai pu, rien ne s'est passé. J'ai alors repéré un plateau de petit déjeuner sur la table. J'ai mangé en essayant de réfléchir à ce que je faisais ici, enfermé dans ce qui ressemblait de plus en plus à une cellule. Impossible de me rappeler quoique ce soit de la nuit, pas de mal à la tête, je n'avais pas la sensation d'avoir été drogué, mais forcément, pour me transporter ici dans mon sommeil... Je n'ai pas fini le petit déjeuner.
J'ai passé beaucoup de temps à chercher un moyen de sortir, j'ai
essayé de desceller le lit ou la table, sans succès, de défoncer
la porte à coups d'épaule, j'ai hurlé à me casser la voix, puis
j'ai fini par m'asseoir sur le lit et me demander qui m'avait enlevé,
et pourquoi. Je ne suis pas riche, je n'ai pas d'ennemi, je n'ai pas
d'ami non plus d'ailleurs, je n'ai pas de famille... Que veulent-ils
de moi ? "ils". Qui sont-"ils" ? J'ai inspecté
le moindre recoin de ma cellule à la recherche de caméras ou de
micros, mais je n'ai rien trouvé. J'étais prostré sur le lit
lorsque la chatière s'est entrouverte pour laisser passer un nouveau
plateau repas dans la pièce. J'ai eu beau me précipiter en criant,
le temps que j'arrive à la porte, la trappe s'était refermée et
j'étais de nouveau seul. J'ai mangé sans appétit, je me suis
allongé, la lumière s'est éteinte et je me suis endormi
instantanément.
Au matin, les deux plateaux avaient été enlevés et remplacés par
un nouveau petit déjeuner, avec une ramette de papier et deux stylos
bille sur la petite table. Alors j'ai commencé à écrire, sans
savoir pourquoi ni pour qui.
Jour 3
Toujours aucune idée de la raison de ma présence, j'ai hurlé toute
la journée d'hier en me persuadant que quelqu'un me répondrait...
Personne ne m'a entendu, ou bien personne ne m'a écouté. De là où
je suis, la nuance entre les deux n'existe plus. En fait, tout ça
ressemble un peu à ma vie d'avant, ma vie d'il y a cinq jours.
Simplement, aujourd'hui, le monde extérieur assume son indifférence
à mon égard. Ces derniers jours – mais je ne sais même pas si ce
sont des jours, je n'ai aucune notion du temps, la lumière s'allume,
je m'éveille et mon repas (du matin ?) est déjà là, puis après
un laps de temps indéterminé, la trappe s'ouvre et mon repas (du
soir ?) arrive. Peu après la lumière s'éteint, mais je suis déjà
dans un état de somnolence avancé. Alors je sombre dans le sommeil
jusqu'au prochain allumage. Ces derniers jours donc, j'ai guetté la
main qui me jette mon repas du soir. Une main gantée, des gants à
usage unique, comme dans les hôpitaux. Une main sourde à mes cris.
J'essaierai demain d'attraper cette main, ou de la blesser peut-être
? Non. Si je la blesse, elle reculera et je serai toujours aussi
prisonnier. Et elle ne reviendra plus. Il faut que je la saisisse,
que je m'y agrippe de toutes mes forces et que j'oblige celui qui se
tient derrière la porte à me parler, à m'expliquer...
Jour 5
Ma tentative pour établir un contact s'est soldée par un échec.
Toute la journée j'ai guetté l'ouverture de la chatière. Après
une attente interminable, j'ai entendu un cliquetis derrière la
porte. La trappe s'est ouverte, le plateau est entré, j'ai aperçu
les doigts qui le tenaient. Assis par terre, un pied de chaque côté
de la porte, j'ai saisi le gant de mes deux mains et je l'ai tiré
vers moi de toutes mes forces en parlant le plus vite possible, en
demandant pourquoi, que voulez-vous, laissez-moi sortir... Sans un
mot, sans un heurt, un tube métallique est passé par la trappe, et
j'ai senti une vive douleur dans ma main droite, une décharge
électrique qui m'a cloué au sol. Je me suis évanoui. Quand je suis
revenu à moi, la chatière était fermée, mon pantalon trempé
d'urine. Je suis allé le rincer au lavabo, j'ai mangé un morceau de
pain et je suis allé me coucher.
Jour 6
Je suis constamment à l'affût de
ce qui se passe derrière la porte de ma cellule. À force de me
concentrer, je perçois des sons jusqu'alors inaudibles. Derrière la
porte il y a de la vie, j'entends comme une respiration, un souffle
intermittent. S'il y a un geôlier juste là, derrière, et que je
parviens à identifier sa respiration, alors lui aussi m'entend. Je
lui parle, j'argumente, je négocie, je m'efforce de lui inspirer de
la pitié, mais rien n'y fait, le souffle irrégulier continue,
imperturbable. Mon gardien est peut-être asthmatique et sourd.
Jour 7
La respiration derrière la porte était en fait le moteur de la
ventilation mécanique contrôlée qui renouvelle l'air de ma
cellule. Une petite grille sombre placée au bout du mur, à 30 cm du
sol m'envoie de l'air frais. Les « expirations » et les
livraisons d'oxygène coïncident... Je suis seul...
Jour 10
10 jours, c'est long. Je sais, je sais que le temps est relatif. 10
jours pour un tour du monde, c'est court. Mais 10 jours seul dans une
cellule avec pour seul contact humain une main gantée qui me
nourrit, c'est très long. Je ne suis pas même sûr d'être ici
depuis 10 jours. J'ai eu dix périodes de sommeil et dix périodes de
veille selon que le néon m'inondait de sa lumière crue ou non. Mais
peut-être qu'ils allument et éteignent toutes les trois heures,
peut-être qu'ils m'ont complètement déréglé... Pour tenir le
coup, je m'accroche aux bruits. Quand je tire la chasse d'eau ou que
j'ouvre un robinet, j'entends l'eau qui arrive ou s'écoule dans les
tuyaux. Ils traversent le mur, mais je peux suivre leur trace de
l'autre côté en collant mon oreille. Je remonte le cours de l'eau
comme les poissons au printemps, mais la piste s'arrête au niveau de
la porte de ma cellule. Derrière, la source se tarit, il n'y a plus
rien, plus de son, plus de vie.
Jour 13
J'ai pleuré toute la journée, je n'en peux plus... J'ai fait un
trou supplémentaire à ma ceinture pour ne plus avoir à remonter
sans cesse mon pantalon. Moi qui voulait maigrir, c'est réussi.
J'imaginais un régime différent.
Jour 15
Curieusement, je dors bien et facilement. Je ne me réveille qu'au
matin, la lumière est allumée, les plateaux de la veille ont
disparus et le petit déjeuner m'attend sur le bureau. Les toasts
sont encore tièdes, ils viennent de les faire griller. À quelques
secondes près, j'aurais pu rencontrer mes ravisseurs. Mais je me
réveille toujours trop tard.
Tous les soirs après le repas, je suis pris de somnolence et il
m'est impossible de lutter. La lumière s'éteint et je sombre dans
le sommeil. Après avoir essayé de veiller plusieurs jours d'affilée
au delà de l'extinction des feux, sans succès, j'en ai déduit que
ma nourriture était droguée
et j'ai sauté le repas du soir. Peine perdue, je me suis de nouveau
endormi comme un bébé à peine la lumière éteinte. Peut-être
qu'ils envoient un gaz inodore dans la cellule par la grille de la
ventilation quand l'heure leur semble convenable. Quoiqu'il en soit,
ceux qui sont derrière la porte décident de tout, de mes
occupations, de mes repas, de mon sommeil.
Jour 17
Mon calvaire doit cesser. Je ne supporte plus d'être cloîtré ici
sans rien savoir. Je passe la moitié de ma journée à sangloter, en
position fœtale sur le lit, l'autre moitié à crier et demander
grâce à mes geôliers. Je dois sortir coûte que coûte et c'est
physiquement impossible. Je vais me suicider. Mais comment faire ?
M'étouffer en avalant de travers ? Arrêter de respirer ?
Me jeter sur les murs ? J'ai essayé tout à l'heure, je me suis
juste assommé à demi. J'ai recommencé peu après mais la volonté
était partie et l'instinct revenu, je me suis protégé le visage en
heurtant le mur et je me suis fait mal au bras gauche. Je pourrais
boire le savon du distributeur à côté du lavabo, mais je suis
assez sceptique sur l'efficacité de cette méthode... J'ai décidé
de commencer une grève de la faim.
Jour 19
À force de tourner et retourner la situation dans ma tête, je crois
que je commence à comprendre leur mutisme. Ce que j'ai d'abord pris
pour de l'indifférence pourrait n'être que pure bienveillance. Il
est évident que mes ravisseurs me connaissent. Ils m'ont enlevé
pendant mon sommeil, dans mon lit. Ils connaissaient mes horaires et
mes habitudes... Ils savent ma solitude et mon isolement. Ils
connaissent mes faiblesses et mes névroses. Ils m'ont enlevé pour
me révéler à moi-même. Et c'est un chemin que personne ne peut
faire à ma place. Seul, je l'étais chez moi, mais j'étais distrait
par la vie tout autour. Seul, je le suis ici aujourd'hui, vraiment
seul, et je peux enfin faire mon introspection. Cette retraite forcée
n'a d'autre but que de me permettre de faire table rase de mon passé
en le regardant en face. Je dois affronter mes erreurs, les expier et
me pardonner. Mon autocritique est le prix à payer pour m'accepter
et avancer enfin. C'est sans doute la raison de la présence du
papier et des stylos. L'écrit permet d'assumer.
Alors je commence ma confession. Je la couche sur le papier, et je la
lis à voix haute aussi, pour qu'ils entendent tout, qu'ils réalisent
que leur plan fonctionne, que je coopère, pour qu'ils me parlent
enfin, et qu'ils m'absolvent.
Je commence timidement par les vols de bonbons à l'étalage que je
commettais à l'école primaire. J'enchaîne sur les grilles de
notation du physique des filles de la classe que nous organisions
avec les copains au collège. Ce n'était pas bien méchant, sauf
quand nous affichions les résultats au tableau, avec des notes
exagérées en bien ou en mal. Nous avons fait pleurer plus d'une
camarade cette année-là. Mais je tiens à préciser que je n'étais
pas l'instigateur du projet, c'était Seb le chef, moi je ne faisais
que suivre le mouvement.
Une fois, c'était une idée de Paul, nous avons fait boire du rhum à
un chat. Quand il a été bien saoul, nous lui avons lié les pattes.
Puis nous l'avons couvert de miel et déposé sur une fourmilière.
Au bout d'un moment, comme rien ne se passait, nous sommes repartis.
Je me suis souvent demandé ce qu'il était devenu, ce chat. Paul,
lui, est devenu responsable de la veille technologique dans un grand
groupe de cosmétiques, il a bien réussi...
Et puis, l'âge augmentant, l'importance des fautes aussi. Il y a eu
cette fête, beaucoup de monde, beaucoup de musique, beaucoup
d'alcool, et puis Nico qui vient me chercher au bord de la piscine et
qui me ramène dans la chambre, où Nathalie, ivre morte sur le lit,
culotte aux chevilles, se plie aux désirs sexuels des copains. Et
moi, qui sourit et me joint au groupe. Je regrette, mais je ne
pouvais pas faire autrement, j'aurais été rejeté par les autres.
Et puis Nathalie ne s'est jamais plainte de ce soir-là, elle n'en a
jamais parlé, c'est donc qu'elle était partante, au moins un peu...
Tout ça s'explique sans doute par le modèle familial que j'ai subi.
Ma mère qui me surprotégeait, mon père qui la trompait sans s'en
cacher et qui buvait à en tomber raide dès qu'il passait une soirée
à la maison, ma mère qui faisait mine d'accepter et qui pleurait en
cachette. C'était toujours mieux que d'être une femme battue...
Quand ils sont morts tous les deux dans un accident de la circulation
(il était ivre au volant), je crois que je n'ai pas pleuré.
Je termine ma confession sur l'image qui me hante depuis quelques
mois. J'étais en voiture, tard le soir, arrêté à un feu, quand
j'ai vu débouler devant moi un gamin d'une quinzaine d'années, pas
très grand, l'air terrorisé. Il s'est approché de la portière,
m'a supplié par la vitre entrouverte de le laisser monter. Une bande
de dix jeunes a rappliqué en courant, j'ai accéléré, le gamin est
reparti à toutes jambes, coursé par les autres. Je les ai vu
disparaître dans mon rétroviseur.
Épuisé d'avoir remué toute cette vase, je m'effondre sur le lit.
La lumière s'éteint.
Jour 20
J'ai abandonné la grève. Ce matin, j'ai mangé ce qu'ils m'avaient
déposé. J'ai tenu trois jours.
Une fois l'estomac plein,
l'absurdité de ma séance d'autocritique d'hier m'a sauté à la
gorge. Ça ne peut pas être ce qu'ils attendent de moi, ce serait
trop retors. D'ailleurs, les feuillets sont toujours sur le bureau,
dans la même position qu'hier. Je me fais à l'idée de subir la
situation. Aujourd'hui, je l'accepte. Ma volonté et mon
libre-arbitre sont niés ? Je l'accepte. Je dépends d'un ou
plusieurs inconnus pour manger, dormir, respirer ? Je l'accepte.
J'ai pleinement conscience d'être un chien, soumis au bon
vouloir de son maître. Un chien qui se satisfait de sa situation. Si
le maître est heureux, je suis heureux. S'il est mécontent, je fais
ce que je peux pour le rendre heureux. J'espère qu'ils sont
satisfaits de la rupture de mon jeûne. Toute la journée, j'écoute
le moteur de la ventilation, les écoulements d'eau. Je guette le
cliquetis du verrou de la chatière, quand je vois apparaître la
main gantée et mon plateau, je frétille de joie. Il me nourrit,
c'est qu'il pense à moi...
Jour 23
Je ne pleure plus, je ne crie plus, j'attends patiemment que les
jours coulent. Quand je m'éveille, je dis bonjour au silence de mes
geôliers. Je fais mon lit et prends le petit déjeuner. Puis je
marche de long en large dans la cellule, et je fais quelques abdos,
pour me maintenir en forme, comme dans les vieux films américains
avec des prisonniers pendant la guerre. Je fais ma toilette, puis je
dessine un peu sur le papier en sifflotant. Quand le repas du soir
est déposé, je remercie la main, puis je mange en mâchant bien. Je
range les plateaux, les couverts en plastique en parallèle dans
l'assiette, les déchets regroupés. Je souhaite une bonne nuit au
vide autour et je dors d'un sommeil sans rêve jusqu'au lendemain.
Jour 27
Ce matin, je me suis réveillé chez moi, dans mon lit. Je n'ai
d'abord pas reconnu les lieux, je me suis senti perdu, puis j'ai
compris que j'étais de retour. Ici, rien n'a bougé. J'ai été
absent presque un mois. Je n'ai pas reçu de message sur mon
téléphone, pas de courrier. Le manuscrit de ma captivité est posé
sur mon bureau, confession incluse. J'ai ouvert la porte de mon
appartement, juste pour vérifier que j'étais libre, mais je l'ai
refermée aussitôt. Je n'ose pas sortir, j'appréhende les visages.
Le simple fait de les regarder dans la rue par la fenêtre
m'oppresse. J'ai fermé les rideaux. Je me sens terriblement seul,
abandonné.
Jour 28
Personne ne m'a apporté de plateau repas. Alors je me suis fait
livrer en commandant et payant par internet. J'ai demandé
expressément que le livreur dépose le plateau sur le paillasson,
sonne deux fois puis parte. J'ai cru que mon cœur allait percer ma
poitrine quand j'ai ouvert la porte, récupéré la nourriture et
refermé très vite. J'ai beaucoup de mal à m'endormir, les bruits
rassurants de ma cellule, les tuyaux, la ventilation, me manquent.
Jour 6
Je m'endors plus facilement
maintenant que je prends deux cachets pendant mon repas du soir.
Toute la journée, je suis constamment à l'affût de ce qui
se passe derrière la porte de ma cellule. À force de me concentrer,
je perçois des sons jusqu'alors inaudibles. Derrière la porte il y
a de la vie, j'entends les voisins qui partent au travail le matin,
qui rentrent le soir, les télévisions et les bruits de couverts à
l'heure du dîner. Plus tard, beaucoup plus tard, je les entends
parfois faire l'amour, pas trop fort pour ne pas réveiller les
enfants. Les sons étouffés de la rue me parviennent à travers la
fenêtre, les bus, les klaxons, les voitures de police. Les rames de
métro font vibrer le plancher. En me concentrant, je parviens à les
visualiser qui passent en
dessous de moi, loin sous la terre. Mais la piste s'arrête au niveau
de la porte. Comme toujours.
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