J'ai assisté cet après-midi à Avignon à un
spectacle génial. L'orchestre d'Avignon jouait une œuvre de Pierre Sauvageot à la cité de la Barbière.
Les musiciens étaient répartis sur les balcons de la cité, et les
spectateurs écoutaient le concert assis dans des chaises longues sur
l'herbe devant le bâtiment.
Pierre Sauvageot a déjà organisé ce type de représentations à Paris, Marseille,
Copenhague. Hier, c'était donc Avignon et la prochaine fois ce sera
à Graz en Autriche, si vous passez dans le coin le 3 ou 4 août, on
ne sait jamais !
D'un point de vue technique c'est une
organisation démentielle qui est mise en place. Des enceintes sont
disséminées un peu partout sur la façade du bâtiment pour envoyer
des séquences intégrées au concert. Les instruments sont plus ou
moins sonorisés (la voix off du début du concert nous explique que
le son est naturel et pas amplifié, mais des micros sont présents
sur tous les instruments que je vois.) Chaque musicien est équipé
d'un casque dans lequel il entend à la fois les pistes midi, des
consignes enregistrées pour les démarrages de chaque partie et un
métronome. Comme chacun doit aussi jouer avec les autres et pas
juste au clic, l'un des musiciens nous a expliqué après le concert
qu'il sortait une oreille du casque pour se synchroniser avec ses
voisins de balcon, en gardait une dans le métronome et les
indications enregistrées, et essayait de ne pas trop se focaliser
sur le son des autres musiciens éloignés dont les notes lui
parvenaient avec retard et réverbération sur les façades... Pas
facile.
Au niveau de l'écriture et de la
composition, il s'agit de musique un peu contemporaine (pour ce que
j'en comprends), mais accessible, colorée et imagée. Tout au long
du concert les séquences midi personnalisent l'expérience. On y
entend parler les habitants de la cité de la Barbière, des
explications sur l'origine du quartier, sa création... Le concert
raconte les événements de la journée : un visiteur sonne, monte
les escaliers, prend l'ascenseur, frappe à la porte, un bébé
pleure, un téléphone sonne, les habitants regardent le foot à la
télé, écoutent de la musique... Pierre Sauvageot fait interagir
les séquences enregistrées et les parties jouées, un peu à la
manière de Christophe Chassol. Il harmonise les
pleurs de bébés, les sonneries, les voix des habitants qui disent
"bonjour" ou "au revoir" dans toutes les langues.
Et tout ça dans une ambiance champêtre
et détendue. Tout le monde est vautré à profiter du spectacle,
certains habitants sont chez eux, à la fenêtre en train de fumer,
les enfants sont en liberté, courent parfois un peu partout,
certains vont chercher leur goûter à la maison en passant devant
les musiciens qui jouent, personne ne leur intime le silence. Les
musiciens participent, "calment" les pleurs des bébés
enregistrés en pressant des Sophie la girafe en plastique (je me demandais aussi pourquoi j'avais mis cette image en tête d'article..), ils
jettent des partitions depuis les balcons. Les enfants les récupèrent
et les rapportent chez eux (des trésors incompréhensibles et
illisibles mais qu'ils vont pour certains conserver et déchiffrer
petit à petit, des parchemins qui vont alimenter leurs imaginaires
pendant des années.)
Après le concert et l'énorme minute
d'applaudissements, les musiciens descendent, certains font essayer
leurs instruments aux enfants (le nombre de gamins qui attendaient
pour tester la harpe, magique !), d'autres discutent avec le public.
La musique classique s'ouvre à tout le
monde (moi compris qui en écoute 2 fois par an en musique d'ambiance
pour m'aider à me concentrer sur mon écran), sans frontière
sociale, culturelle, géographique. Chacun prend ce qu'il veut et
peut, la musique fait partie de l'environnement, simplement. Merci
!!!
En passant et pour finir, un peu de pub
pour une asso qui œuvre dans ce sens : la Portée de tous de Vincent
T.
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