2018-06-24

Pierre Sauvageot




J'ai assisté cet après-midi à Avignon à un spectacle génial. L'orchestre d'Avignon jouait une œuvre de Pierre Sauvageot à la cité de la Barbière. Les musiciens étaient répartis sur les balcons de la cité, et les spectateurs écoutaient le concert assis dans des chaises longues sur l'herbe devant le bâtiment.


Pierre Sauvageot a déjà organisé ce type de représentations à Paris, Marseille, Copenhague. Hier, c'était donc Avignon et la prochaine fois ce sera à Graz en Autriche, si vous passez dans le coin le 3 ou 4 août, on ne sait jamais !

D'un point de vue technique c'est une organisation démentielle qui est mise en place. Des enceintes sont disséminées un peu partout sur la façade du bâtiment pour envoyer des séquences intégrées au concert. Les instruments sont plus ou moins sonorisés (la voix off du début du concert nous explique que le son est naturel et pas amplifié, mais des micros sont présents sur tous les instruments que je vois.) Chaque musicien est équipé d'un casque dans lequel il entend à la fois les pistes midi, des consignes enregistrées pour les démarrages de chaque partie et un métronome. Comme chacun doit aussi jouer avec les autres et pas juste au clic, l'un des musiciens nous a expliqué après le concert qu'il sortait une oreille du casque pour se synchroniser avec ses voisins de balcon, en gardait une dans le métronome et les indications enregistrées, et essayait de ne pas trop se focaliser sur le son des autres musiciens éloignés dont les notes lui parvenaient avec retard et réverbération sur les façades... Pas facile.

Au niveau de l'écriture et de la composition, il s'agit de musique un peu contemporaine (pour ce que j'en comprends), mais accessible, colorée et imagée. Tout au long du concert les séquences midi personnalisent l'expérience. On y entend parler les habitants de la cité de la Barbière, des explications sur l'origine du quartier, sa création... Le concert raconte les événements de la journée : un visiteur sonne, monte les escaliers, prend l'ascenseur, frappe à la porte, un bébé pleure, un téléphone sonne, les habitants regardent le foot à la télé, écoutent de la musique... Pierre Sauvageot fait interagir les séquences enregistrées et les parties jouées, un peu à la manière de Christophe Chassol. Il harmonise les pleurs de bébés, les sonneries, les voix des habitants qui disent "bonjour" ou "au revoir" dans toutes les langues.


Et tout ça dans une ambiance champêtre et détendue. Tout le monde est vautré à profiter du spectacle, certains habitants sont chez eux, à la fenêtre en train de fumer, les enfants sont en liberté, courent parfois un peu partout, certains vont chercher leur goûter à la maison en passant devant les musiciens qui jouent, personne ne leur intime le silence. Les musiciens participent, "calment" les pleurs des bébés enregistrés en pressant des Sophie la girafe en plastique (je me demandais aussi pourquoi j'avais mis cette image en tête d'article..), ils jettent des partitions depuis les balcons. Les enfants les récupèrent et les rapportent chez eux (des trésors incompréhensibles et illisibles mais qu'ils vont pour certains conserver et déchiffrer petit à petit, des parchemins qui vont alimenter leurs imaginaires pendant des années.)

Après le concert et l'énorme minute d'applaudissements, les musiciens descendent, certains font essayer leurs instruments aux enfants (le nombre de gamins qui attendaient pour tester la harpe, magique !), d'autres discutent avec le public.

La musique classique s'ouvre à tout le monde (moi compris qui en écoute 2 fois par an en musique d'ambiance pour m'aider à me concentrer sur mon écran), sans frontière sociale, culturelle, géographique. Chacun prend ce qu'il veut et peut, la musique fait partie de l'environnement, simplement. Merci !!!

En passant et pour finir, un peu de pub pour une asso qui œuvre dans ce sens : la Portée de tous de Vincent T.

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