Ob-la-di Ob-la-da a toujours été un mystère pour moi. Quand je jouais les Beatles en groupe, c'était la chanson la plus demandée, la plus populaire. Et pourtant... OK c'est une chanson sympa, joyeuse, entraînante, etc. Mais pour une chanson des Beatles, elle manque un peu de fond mélodique et harmonique, elle est un peu couillonne, non ? Alors peut-être sont-ce les paroles qui permettent de comprendre sa popularité. Analysons-les avec un peu de mauvaise foi...
Desmond has a barrow in the market
place
Molly is a singer in a band
Premier couplet, Paul McCartney nous
présente les personnages. Desmond a une brouette au marché (il vend
probablement des fruits et légumes dans sa brouette, sinon, c'est
absurde, pourquoi est-ce qu'un gars normal irait faire le marché
avec sa brouette ? Pour ramener des provisions pour sa famille hyper
nombreuse ? Peut-être, mais ça ne cadre pas avec la suite de la
chanson, puisqu'a priori Desmond est célibataire et va essayer de
pécho Molly, mais désolé, je spoile...)
Molly, elle, est chanteuse dans un
groupe.
Desmond says to Molly – girl I
like your face
And Molly says this as she takes him
by the hand :
Ob-la-di ob-la-da, life goes on, bra
La la how the life goes on
J'avais
vendu la mèche : Desmond branche Molly, dans un style plutôt direct
et simplet, qui lui vaudrait aujourd'hui une plainte pour harcèlement
dans la rue. Mais pourtant, ça marche ! Molly aussi doit être un
peu simplette, puisqu'elle lui prend la main et lui chante une
chanson à base d'onomatopées à caractère sexuel
(bra=soutien-gorge !)
Desmond takes a trolley to the
jewellers’ stores,
Buys a twenty carat golden ring.
Takes it back to Molly waiting at
the door
And as he gives it to her she begins to sing
And as he gives it to her she begins to sing
En même temps, Desmond le benêt est
assez motivé : à peine Molly a-t'elle fini sa chanson qu'il se
précipite dans le tram pour aller lui acheter une bague en or chez
le bijoutier. Ce garçon est tombé amoureux... À moins que le
refrain ne soit finalement une ellipse évoquant l'acte sexuel entre
les deux protagonistes et que Desmond, impressionné par la souplesse
de Molly veuille la couvrir d'or pour la remercier. En tout cas,
Molly l'attend à la porte et une nouvelle possible interprétation
prend forme : Molly serait une prostituée et Desmond lui doit sa
passe d'Ob-la-di-bla-da. Ce qui ne change rien à la suite de la
chanson puisque Molly la simplette se remet à chanter (ou faire des
trucs à Desmond) directement après. Bref.
Arrive ensuite le pont :
In a couple of years they have built
a home sweet home
With a couple of kids running in the
yard
Of Desmond and Molly Jones.
Ellipse temporelle, deux ans se sont
écoulés. Finalement, la fonction de la bague devait bien être de
sceller leur engagement (fiançailles, mariage...) puisque Desmond et
Molly portent maintenant le même nom de Jones. Ou alors, peut-être
portaient-ils déjà le même nom auparavant ? Jones c'est plutôt
commun en Angleterre ! (Oui, je vois ce que vous allez m'objecter :
peut-être aussi, et effectivement, ce n'est pas précisé dans la
chanson, que l'action ne se situe pas en Angleterre, peut-être même
pas dans un pays anglo-saxon, auquel cas, Jones serait un patronyme
beaucoup moins usité. Dans ce cas, la probabilité que deux
personnes qui se rencontrent sur un marché portent le même nom
serait faible et il faudrait envisager l'éventualité que Desmond et
Molly soient de la même famille, frère et sœur, cousins,
grand-mère et petit-fils... Cependant, un tel contenu textuel plutôt
glauque combiné à une musique guilerette serait pour le moins
inattendu chez les Beatles. Oublions donc cette hypothèse.)
Dans ce court pont, une deuxième
ellipse a été introduite par l'auteur, poétique cette fois-ci.
Comment sinon expliquer qu'en deux ans, ils aient construit leur
maison (ok c'est possible), eu deux enfants (toujours possible) qui
courent dans le jardin (là c'est plus compliqué, puisque deux
enfants = deux grossesses de neuf mois, allez huit mois en cas de
prématurité, avec une pause d'au minimum 3 mois entre les deux, en
rajoutant le fait que dans sa profession, il est probable que Molly
ait usé de moyens de contraception, ce qui diffère encore le
démarrage de sa première gestation, tout ceci faisant que le second
enfant aurait juste trois mois. Un peu jeune pour courir dans le
jardin... Sauf si... les enfants étaient jumeaux ?
Happy ever after in the market place
Desmond lets the children lend a
hand
Molly stays at home and does her
pretty face
And in the evening she still sings
it with the band.
Dans leur nouvelle vie de famille,
Desmond se fait aider par les enfants pour pousser sa brouette sur le
marché (il a sûrement mal au dos après toute cette maçonnerie)
pendant que Molly se maquille (eh oui, deux grossesses en deux ans,
ça laisse quelques traces de fatigue sur le visage) pour aller
chanter avec ses amis musiciens. Et là, ça commence à faire un peu
gros. Qui est cette prostituée qui a deux enfants en deux ans, fait
construire (ou construit elle-même, poussons encore le bouchon un
peu plus loin) sa maison et trouve encore le temps et l'énergie
d'avoir une activité artistique en parallèle ? Oui, évidemment, je
me projette dans les personnages, puisque quand j'ai rencontré mon
épouse (qui ne vendait pas de légumes, certes), je chantais dans un
groupe. Nous avons ensuite eu deux enfants (en trois ans et demi
seulement) et acheté une maison (au bout de sept ans seulement)
Niveau prostitution, je ne suis pas allé bien loin, j'ai simplement
joué occasionnellement un ou deux morceaux de Christophe Maé pour
de l'argent. Et même en prenant (beaucoup) plus de temps que Molly
pour me préparer, quand je vais faire un gig avec les potes, je mets
3 semaines à récupérer... Ob-la-di Ob-la-da me semble vraiment
déconnectée de la réalité. Les Beatles seraient-ils donc un
groupe plein d'utopies et de rêves irréalisables ? Seraient-ils
hippies ?
Et puis ici c'est l'homme qui garde les
enfants et la femme qui va chanter dans un pub, un lieu de débauche
et de perdition ? Même à notre époque, ces paroles nous
sembleraient séditieuses, alors imaginez en 1968 !
Ensuite, on répète le pont, histoire
de bien insister, nous montrer que nous sommes vieux et mous, qu'il
n'a fallu que deux ans à Desmond et Molly, et on répète le
troisième couplet. Et là, tout s'effondre, plus aucune cohérence :
Happy ever after in the market place
Molly lets the children lend a hand
Desmond stays at home and does his
pretty face
And in the evening she's a singer
with the band
C'est Molly qui pousse la brouette avec
les enfants pendant que Desmond reste à la maison pour se faire
belle et va chanter dans le groupe, déguisé en femme. Volonté des
Beatles de nous dépeindre un couple moderne, où l'identité
sexuelle de chacun est floue, seule compte l'osmose entre les êtres
? Ou critique du milieu de la musique où les performers sont
totalement interchangeables sans que le public le réalise ? Ce
serait donc une nouvelle allusion à la mort de McCartney, remplacé
quelques années plus tôt par un sosie, à l'insu du grand public...
Tout ça n'est pas très clair, et je
comprends pourquoi je n'aime pas trop Ob-la-di Ob-la-da, je ne
comprends pas les paroles de cette chanson.
À moins que... en lisant les paroles
de l'outro :
And if you want some fun, take
Ob-la-di-bla-da
"TAKE Ob-la-di-bla-da" !
"Prenez Ob-la-di-bla-da" ! Ob-la-di-bla-da serait alors une
drogue qui permettrait (rayez la mention inutile) de :
- mener de front plusieurs vies et avec
le sourire
- croire qu'on peut mener de front
plusieurs vies et avec le sourire
- croire qu'on a des enfants et un mari
et qu'on fait de la musique alors qu'on est en plein trip sur une
vieille moquette brûlée par des joints mal éteints et tachée de
fluides corporels divers et variés
- changer de sexe
Finalement j'aime bien Ob-la-di
Ob-la-da et les Beatles, chacun peut y fourrer ce qu'il veut. Un peu
comme là :
https://beat.media/an-incorrect-interpretation-of-song-lyrics-ob-la-di-ob-la-da
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