2018-06-03

La Valse des arbres et du ciel



J'avais beaucoup aimé Le Club des incorrigibles optimistes donc quand j'ai vu un roman de Jean-Michel Guenassia à la librairie, avec un détail d'une toile de Van Gogh en couverture, évidemment, je l'ai acheté. Mais il m'a en partie laissé sur ma faim et je ne sais pas trop qu'en penser...

La Valse des arbres et du ciel présente une version romancée des derniers jours de Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise en 1890.

La version officielle Wikipedia : Van Gogh souffrait d'"instabilité mentale", il arrive à Auvers-sur-Oise et y est soigné par son ami le Dr Gachet. Pendant cette période, il peint beaucoup. Un jour de juillet, il se tire une balle dans le ventre, retourne à son auberge où il meurt deux jours plus tard.

Une autre version surgit en 2011, Van Gogh aurait été touché par accident par deux gamins qui jouaient avec un revolver qu'ils avaient volé. Van Gogh n'aurait rien dit pour protéger les enfants*.

Jean-Michel Guenassia livre une autre lecture. Le Dr Gachet n'est pas l'ami de Van Gogh, il le soigne, comme d'autres impressionistes sans le sou, uniquement pour être rémunéré en peintures. Il est présenté comme un manipulateur spéculateur. Sa fille, la narratrice, qui peint aussi, tombe éperdument amoureuse de Vincent, et veut s'enfuir avec lui en secret. Tout le long du livre, on sent monter l'inéluctable : le Dr Gachet va découvrir leur histoire et tuer Vincent. Promis, je n'ai rien spoilé ici, lisez le livre pour connaître enfin la vérité sur la mort de Van Gogh !


J'aime pas ?

J'ai aimé ce roman, sans qu'il me passionne non plus. J'en suis finalement ressorti assez frustré.

D'abord par sa structure : Guenassia alterne les passages narrés par Marguerite Gachet et des extraits de documents d'époque, lettres de Vincent à son frère Théo, ou l'inverse, de Vincent à Gauguin, articles de journaux... Ça m'a irrémédiablement rappelé les romans de Bernard Werber, la saga des"fourmis" si je me souviens bien, où il alternait intrigue et extraits de l'"Encyclopédie du savoir relatif et absolu" qui partaient dans tous les sens. Je suis donc parti sur un a priori plutôt négatif (je ne suis pas un grand fan de Bernard Werber, il me touche autant que Paulo Coelho, soit juste un peu plus que Marc Levy.) Le choix des extraits d'époque ne m'a pas aidé à me mettre dedans. La plupart du temps, les sujets faisaient directement écho à ce que vivait la narratrice : témoignages sur le droit des femmes, la modernité, la société de la fin du XIXè siècle, à chaque fois bien choisis pour marquer le contraste avec aujourd'hui. Les ficelles pour faire passer les messages étaient un peu trop grosses à mon goût, je me suis senti manipulé...

Les passages à la première personne du singulier, soit l'intrigue racontée par Marguerite m'ont aussi laissé insatisfait. Tout avance très lentement, la jeune fille se monte la tête presque toute seule, se persuade que Van Gogh va partir avec elle, qu'ils seront heureux, lui à peindre, elle à le regarder... C'est à la fois un peu ennuyeux à lire, mais très bien dépeint au niveau de l'étude psychologique du personnage principal. Frustrant donc.

Les 4/5è du livre se passent ainsi, dans l'attente de l'accélération de l'intrigue et du dénouement, et puis, d'un seul coup, on y est, tout bascule très vite, trop vite. Le twist final est surprenant, tout se tient, mais on a tenu 220 pages de prologue pour bien profiter des 30 dernières, c'est dommage.


J'aime ?

Le roman est très bien écrit, de façon directe, sans être simpliste, mais sans aucun génie non plus, pas de tournure surprenante, aucun moment où on marque une page et on relit la phrase en prenant un kif esthétique.

Une grosse réussite du roman tient dans les personnages. Les caractères sont bien dessinés, sans nous mettre sous les yeux les évidences, c'est assez subtil. Et à ce niveau-là, la chute est très bien amenée, les actions des protagonistes sont totalement conformes à tout ce que Guenassia avait insidieusement instillé depuis le début.

Autre bon point, pendant et après la lecture, on a envie d'aller taper Van Gogh sur Google pour (re)voir ses tableaux.

J'aime pas...

Mais j'ai vraiment basculé dans la frustration après la fin du roman, où Jean-Michel Guenassia a inséré une très courte postface. Il y explique que toutes les hypothèses concernant la mort de Van Gogh ne sont que des suppositions. Ensuite, il cite sa documentation, dont les ouvrages des années 2000 qui discréditent la thèse du suicide... et puis c'est tout.

Et c'est là que la Valse... ne sait pas trop où se situer. C'est un roman, ok. Donc on se fout royalement de savoir si c'est plausible, si on parle vraiment de Van Gogh ou si c'est un personnage... L'important est qu'on soit transporté dans l'intrigue, qu'on ait envie de tourner la page pour découvrir la suite.

Mais en rajoutant cette postface, Guenassia se place dans une posture où tout ce qu'il écrit est plausible, peut avoir vraiment eu lieu. Et dans ce cas-là, la postface est beaucoup, beaucoup trop courte. Il aurait fallu développer, citer plus abondamment les sources, prouver qu'on était dans un roman certes, mais un roman vraisemblable. Ce qui n'aurait pas forcément nui à la fiction, mais l'aurait appuyée.

Pour me répéter, à mon avis, après une fiction qui utilise des personnages ayant existé (ce qui ajoute un peu à l'excitation de lire), soit on laisse tout ouvert et on ferme le livre sur la fin du roman, soit on entre dans le débat en étayant solidement la fiction d'appuis historiques. Là, on est entre les deux.

À l'arrivée, j'ai lu un bon roman, que j'ai bien aimé, mais que j'aurais pu vénérer... Frustrant vous dis-je.



*les enfants avaient pour nom de famille Secrétan, nom repris par Guenassia pour une famille de ses personnages en clin d'œil.


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