Ces derniers jours, j'ai beaucoup parlé et écrit, pour exorciser un petit peu les horreurs de vendredi dernier. C'est inutile, futile, mais j'ai eu besoin (et j'ai encore besoin) de partager tout ça, d'ajouter ma voix à toutes les autres, futiles et inutiles, sur les réseaux sociaux. J'ai participé à la cacophonie, mais peu importe, comme beaucoup de ce qui tourne sur le web, elle est éphémère et surtout, elle est cathartique.
Ces derniers temps, je fais peu de
concerts. Deux seulement ce mois-ci, et le hasard a voulu qu'ils soient
prévus les 13 et 14 novembre. J'ai pris connaissance des premières
rumeurs d'attentat (au singulier à ce moment-là) en allant voir le
score de France-Allemagne à la fin du concert de vendredi. Puis on a
rangé le matériel, chargé, chacun est reparti dans sa voiture.
J'ai allumé la radio, et je suis rentré à 60km/h, les larmes aux
yeux, en découvrant l'ampleur des dégâts.
De retour à la maison, après avoir
vérifié que tout le monde dormait paisiblement, j'ai allumé
l'ordinateur et je suis resté là, à suivre les évènements via
les sites et chaînes d'info, les réseaux sociaux. Je ne pouvais pas
décrocher. J'ai pleuré, un peu. Je suis allé dormir, un peu. Le
lendemain, j'ai pleuré encore, un peu. J'ai eu honte aussi, de ne
pleurer qu'aujourd'hui, alors que le terrorisme touche autant de
personnes dans le monde, tous les jours, et souvent beaucoup plus
fort que chez nous. J'ai été en colère aussi, après la haine,
l'indifférence, le mépris, les terroristes, les extrémistes, après
ceux qui allaient immanquablement tirer profit du chaos, et après
moi aussi.
Et puis, il a été temps de partir
pour mon deuxième concert du mois. Plus par devoir que par envie,
plus par défi envers la terreur que par désir artistique.
C'était dans un restaurant, une soirée
spéciale Beatles. Les gens sont sortis de chez eux, sont venus
manger, affirmer que la vie continuait, et même si l'ambiance
générale était morose, sur scène et dans la salle, on a tous fait
semblant de rien.
En chantant, j'ai eu du mal à retenir mes larmes. Il y a peu,
j'avais réalisé qu'en bord de mer, toutes les chansons se mettent à
raconter des voyages et des départs sans retour. Eh bien, en période
de guerre, toutes les chansons des Beatles continuent de parler
d'amour et de tolérance.
Et puis est arrivé le moment de chanter Come Together. J'avais lu il y a longtemps dans une transcription des paroles de la chanson que les "shh" de Lennon qui précèdent chaque fill de batterie et chaque riff de basse, étaient en fait des "shoot me" murmurés. J'avais aimé l'idée, tout en étant persuadé que la vérité, comme souvent avec les Beatles, avait été réécrite après que Lennon a effectivement été abattu en 1980. Et depuis, chaque fois que je chantais Come Together, je murmurais aussi ce "oot me" après le "shh". Samedi dernier, ça a pris un autre sens. Un message contre la violence. Vous pouvez nous tuer tous, nous abattre les uns après les autres, nous ne capitulerons pas, nous continuerons d'aimer, d'être tolérants, de partager. Et en finissant mes "shoot me", j'ai commencé à respirer un peu mieux.
Plus tard, nous avons fini le concert en
reprenant Hey Jude. Et j'ai chanté faux et fort à la fin. J'ai
profité de l'alibi de la coda pour crier et hurler, pour libérer un
peu de la peur et de la douleur qui m'habitaient depuis la veille.
Alors ce n'était certainement pas la meilleure version d'Hey Jude
que nous ayons jouée, ma faute. Ce n'était pas non plus notre
meilleur concert, ma faute encore. Mais ça m'a fait du bien,
simplement de continuer à vivre et à faire un peu de musique.
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