À la une des actualités aujourd'hui trônent les déclarations
fracassantes de Jean-Marie Le Pen à Rivarol, un journal d'extrême
droite. En vrac, il y affirme que Pétain a été jugé sévèrement
à la Libération et il remet en cause le degré d'attachement de
Manuel Valls en précisant qu'il n'est français que depuis 30 ans,
là où lui-même l'est depuis 1000 ans... Tout ça à la suite de
ses déclarations la semaine dernière chez Jean-Jacques Bourdin sur
RMC où il réitérait la qualification de "détail" au
sujet des chambres à gaz. Bref du Jean-Marie Le Pen classique et
habituel, bien que toujours choquant.
Ce qui est nouveau, ce sont les réactions immédiates et
indignées au sein du Front National. Louis Aliot sur Twitter affirme
que les "désaccords politiques" qui l'opposent à Jean-Marie Le Pen sont "désormais irréconciliables", et Marine Le Pen, quant à elle, déclare qu'elle s'opposera à la candidature de son père à la tête de la région PACA. Bref, le divorce entre Jean-Marie Le Pen et le parti qu'il a créé semble prononcé.
que les "désaccords politiques" qui l'opposent à Jean-Marie Le Pen sont "désormais irréconciliables", et Marine Le Pen, quant à elle, déclare qu'elle s'opposera à la candidature de son père à la tête de la région PACA. Bref, le divorce entre Jean-Marie Le Pen et le parti qu'il a créé semble prononcé.
On a vraiment l'impression que cette
fois-ci, il est allé trop loin, même pour son propre camp, qu'il
s'est égaré à parler trop et que ça ne passe plus...
Mais personne n'imagine que récentes
déclarations de Le Pen pourraient être préméditées ? Et même
planifiées par le FN lui-même ?
Tant que Jean-Marie Le Pen est présent
dans le paysage politique, il est une belle épine dans le pied de
Marine. Une fois silencieux, tout sera plus facile pour elle, une
fois disparu et mort, encore plus. Mais malgré tout, le FN est et
restera toujours le parti de Jean-Marie Le Pen. Son nom y est
associé, il y a laissé son empreinte, son image raciste, antisémite
et non républicaine. Toutes les campagnes de communication,
le travail sur l'image effectué par ses dirigeants seront toujours
ternis et rendus caducs par
la figure historique du fondateur. La respectabilité du parti sera
toujours sujette à caution.
Du coup, se débarrasser de Jean-Marie
Le Pen, et surtout le montrer devient primordial pour le FN. C'est
difficile en raison des forts liens historiques et filiaux qui existent. Jean-Marie a offert le FN en héritage à Marine. Les
militants historiques de base sont, pour beaucoup, attachés à Le
Pen père. Ils ont le sentiment d'avoir fait le FN, et en reniant le
leader originel, le parti leur échappe. Il n'en demeure pas moins
que si le FN et Marine Le Pen veulent se donner les moyens de leurs
ambitions législatives et présidentielles, il leur faut arracher ce
vieux sparadrap encombrant qui les empêche d'avancer.
Serait-il alors absurde d'imaginer que les instances du FN aient
envisagé le "sacrifice" de Jean-Marie Le Pen ? Qu'il se
saborde en empilant les "bourdes" et "dérapages",
que tout ceci "oblige" le parti à se désolidariser, voire
à l'exclure et à l'envoyer en retraite "forcée" ?
Certains pourraient mettre ces dérapages sur le compte de la
sénilité, leur ego et leur vision historique du parti en seraient
préservés. D'autres seraient satisfaits d'être enfin libres de la
tutelle écrasante du vieux leader. Et tous jouiraient enfin de la
respectabilité d'un parti républicain, un parti qui aurait
soi-disant fait le ménage dans ses rangs.
Deux scénarios pourraient alors
nourrir l'hypothèse du calcul politique : dans le premier, le FN
lâche simplement la bride à Jean-Marie, le laisse s'exprimer dans
les médias et attend la faute. Bien entendu, le dérapage ne tarde
pas, puis Le Pen père se justifie et s'enfonce encore plus, dérape
à nouveau, et le tour est joué.
Dans la seconde hypothèse, la
stratégie de désolidarisation vis-à-vis du chef est globale :
Jean-Marie le Pen est conscient et complice. Il dérape
volontairement, insiste lourdement, en sachant qu'il va se faire
dégager. De toute façon, sa carrière est derrière lui, sa fille
est son ambition. Elle peut réussir là où il a échoué (dans sa
vision, plutôt, elle peut parachever son oeuvre.) Alors pour le bien
du parti et de sa fille, il se sacrifie (et dans sa vision, bien
entendu, c'est pour le bien de la France qu'il se sacrifie.)
Un tel calcul politique, s'il semblait
improbable il y a quelques années (car il demandait trop à un ego
surdimensionné), est envisageable aujourd'hui et me semble presque
évident. Finir sa carrière sur ce qu'il estimerait être un noble
sacrifice à la grande cause française cadre bien avec l'éternel
discours nationaliste de Jean-Marie Le Pen : aimer son pays, le
défendre, lui donner sa vie.
Je ne suis pas un grand adepte de la
théorie du complot et de toute la paranoïa qui va avec, mais si on
y réfléchit un peu, cette affaire arrange tout le monde. Marine et
le FN parce qu'ils sont enfin débarrassés du chef et qu'ils gagnent
une respectabilité pile au bon moment, deux ans avant les élections,
à l'heure où il est nécessaire de redynamiser le FN après les
départementales (qui sont un succès pour le FN car ils continuent
d'obtenir de bons scores, mais un succès limité car ils ne gagnent
aucun département, le barrage républicain fonctionnant à peu près correctement malgré le ni-ni de l'UMP.)
Et ce calcul arrange aussi Jean-Marie
Le Pen parce que, pour la dernière fois sûrement (espérons-le pour
la qualité du débat, ne l'espérons pas pour la montée du FN), on
parle encore de lui, et que ce type adore ça. Depuis longtemps, sa
stratégie politique (et donc celle du FN des années 80 et 90) peut
se résumer à : peu importe qu'on en parle en bien ou en mal,
l'important c'est qu'on en parle. De plus, Jean-Marie Le Pen doit
trouver une certaine gratification à se sacrifier, éprouver de la
joie à endosser une fois de plus les habits de la victime (encore le
discours de toujours de Le Pen, qui se dépeint diabolisé par
l'ensemble de la classe politique, l'éternel coup du tous contre
moi, tous pourris.)
Moi, j'ai l'impression que dans cette
histoire, tout le monde s'en sort gagnant, à part nous, qui nous rapprochons de plus en plus d'un deuxième tour avec le Front National
en 2017...
Et vous, vous en pensez quoi ?
2 commentaires:
C'est la première fois que j'écris sur ton blog mais ton article m'inspire.
J'ai vu un titre d'article dans libération qui parle aussi de "calcul du fn" ou a peu près mais je l'ai pas encore lut.
Bien que le père soit un animal politique endurci et retors, je ne crois pas qu'il y ai un calcul de sa part dans les événements récents.
C'est un sanguin le père le pen et quand il s'ennerve il se lache et, finalement ses dernières déclarations, comme tu le fais remarquer, ne sont que les répétitions de précédentes. Il en a simplement marre d'entendre les nouveaux dirigeants s'éloigner de + en + du fn "historique"...
Bon pour faire bref, et comme je pense que le noyau dur de l'électorat du fn , le ciment de ce courant n'est rien d'autre que la xénophobie, le racisme etc...je pense qu'il va y avoir un écho important de son écartement de la direction, et de paca, que quelques uns pourraient se ranger derrière sa bannière brune et que cela pourrait créer une scission ou la création d'un groupe.
J'ai entendu Collard dénoncer le pen père avec force mais je ne vois pas les électeurs fn se reconnaitre dans les propos de cet avocat horrifié des déclarations de l'autre...les électeurs du fn le sont pour d'immorales raisons et elles ne s'acommodent pas de la morale.
Enfin, moi je vois un genre de dissolution de l'aile la moins droitiste dans un UMP rebaptisé par sarkozy et la création d'un nouveau groupe (le pen père) ou le maintien d'un fn qui finira par être marginalisé.
Oui, tout ça se tient bien aussi !
Mais je pense vraiment que seuls les électeurs historiques et vraiment xénophobes du FN vont soutenir le père... L'électorat récent de la fille n'a pas conscience de l'extrémisme du parti et se cogne de JM. Du coup, j'imagine plus un léger affaiblissement du FN une fois le père dégagé, mais rapidement après une grosse récupération des voix de la partie la plus à droite de l'UMP. Reste à voir si c'est la ligne Juppé ou la ligne Sarkozy qui va émerger. Si Sarko, je pense qu'on aura du UMP-PS au deuxième tour en 2017, si Juppé, ça va être très ouvert entre UMP, PS et FN...
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