La semaine dernière, je suis parti au
ski en famille, mais comme un grand, avec ma famille à moi
: avec ma femme, on a chargé la voiture, installé le porte-skis sur
le toit, embarqué les enfants à l'arrière et en route !
Souvent c'est
lorsqu'on vit des situations d'"adultes" pour la première
fois que l'on se rapproche d'un coup de nos parents, comme si la
similarité entre ce que nous vivons aujourd'hui avec nos propres
enfants et ce qu'ils ont vécu il y a longtemps avec nous créait un
lien, une tacite solidarité. Les vieux conflits d'enfance se règlent
ainsi parfois une fois adultes, éclairés que nous sommes par notre
propre expérience de parents.
Le fait d'être
tous les quatre dans la voiture m'a simplement rappelé un trajet
particulier, alors que je devais avoir dix ans. D'habitude, nous nous
entassions à six dans la Renault 30, les parents devant, les enfants
derrière, deux allongés sur la banquette, un par terre et un sur la
plage arrière. Sans ceinture bien sûr, les exigences en matière de
sécurité n'étant pas aussi draconiennes que de nos jours, celles
concernant la vitesse et l'alcoolémie non plus, d'ailleurs. Et puis,
si nous échappions à une agonie rapide par collision, nous en
risquions une plus lente par tabagisme passif. Ah ! Le parfum des
cigarettes qui emplissait mes rêves lors des départs en vacances
nocturnes. Aujourd'hui encore, je suis certain que j'associerais un
bon nuage de fumée de Celtiques à l'ivresse de la vitesse lors d'un
schuss de fin de piste rouge en station de sports d'hiver...
Quoiqu'il en
soit, ce jour-là, curieusement, mon frère et moi avions pris la
voiture avec mon père alors que ma mère était partie en train avec
les deux plus jeunes. Mon père m'avait dit, en croyant faire le
malin : "Eh oui, moi, je ne mets pas tous mes œufs dans le même
panier !" L'expression m'avait laissé perplexe. Non seulement
parce que mon père mettait bien plus souvent qu'il ne le disait tous
ses œufs dans le même panier, mais aussi parce qu'hier comme
aujourd'hui j'ai du mal à en saisir la validité.
Deux
stratégies s'opposent ici et je ne parviens pas à déterminer
laquelle prend l'ascendant sur l'autre. Soit on met tous ses œufs
dans le même panier, et on prend le risque de tout
perdre d'un seul coup. Horrible. Soit on divise les pertes
potentielles en multipliant les paniers, mais on multiplie aussi la
probabilité d'une perte partielle par le nombre de paniers. On va
risquer de casser la moitié de ses œufs deux fois plus souvent, ou
le tiers trois fois plus souvent... Horrible aussi, surtout pour les œufs des paniers saufs qui devront gérer peine (oui, les œufs ont
des sentiments aussi) et culpabilité de faire partie des
survivants... Si on ajoute à tout ça le fait ou non pour celui qui
choisit la stratégie, de s'inclure ou pas dans le panier, et de
choisir son panier (avec quels autres œufs l'œuf en chef préfère-t-il
éventuellement survivre ?), la responsabilité et les implications
du choix stratégique fait par mes parents à l'époque, et par moi
maintenant me donne le vertige.
Conclusion :
après avoir longuement soupesé tous ces arguments et écopé d'une
migraine, j'ai préféré contourner le problème de l'optimisation
du nombre d'œufs cassés en me concentrant sur des variables plus
simples à manier comme la vitesse, les distances de sécurité et le
choix de la station de radio. D'ailleurs, j'attends toujours une
étude scientifique sur la dangerosité routière, démagogique et
intellectuelle comparée de Chérie FM, Rire et Chansons, RCF et
RMC...
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