2010-04-21

Bilan

Une semaine que je suis de retour à Avignon, le temps du bilan londonien est venu !

Je suis parti 8 semaines pour m'ouvrir les oreilles et l'esprit, tester la vie à Londres. De ce point de vue, le bilan est mitigé. Si la vie à Londres est assez géniale (grande ville, des gens venus de partout, des rencontres tout le temps, de l'animation tout le temps aussi), le bilan auditif est plus nuancé.
Je me faisais une haute idée de la musique à Londres, la ville où tout commence, des Beatles à Police en passant par les Stones... Ben, les anglais jouent bien de la musique, culturellement et techniquement, ils nous sont globalement supérieurs sans souci (mais sans être intouchables non plus), mais pour ce qui est de l'oreille et du groove, c'est pas forcément le must. J'ai seulement pris 2 claques musicales en 2 mois : Pat Garratt et Jay Phelps, et pourtant j'en ai vu des concerts et des open mic ! La plupart du temps c'est à moitié en place et même quand c'est joli et harmonieux, c'est long et ennuyeux... Les musiciens avec qui j'ai joué étaient très sympas et ouverts (encore une fois, le côté humain de Londres est fantastique !) mais ne m'ont pas fait rêver musicalement, même si le niveau était correct...

En revanche, le point positif de Londres est qu'on a vraiment l'impression en y vivant que tout est possible si l'on veut bien s'en donner la peine. Personne ne juge les autres sur l'apparence ou l'accent, j'y reviendrai plus loin...

Voici une liste non exhaustive de mes kifs et contre-kifs de Londres :

Kifs :
1. Marcher seul dans les rues, avec la BBC dans les écouteurs, prendre un journal gratuit à la volée et le lire en marchant en se prenant pour un londonien
2. Ecouter I've Got a Feeling à Abbey Road (encore une fois, je sais que la chanson n'y a pas été enregistrée, mais le son et le lieu collent bien ensemble à mon oreille)
3. Jouer une compo dans un pub et faire taper les gens dans leurs mains
4. Traverser sur les passages piétons (les voitures s'arrêtent !)
5. Les pubs sonorisés (tous !!!)
6. Marcher dans Soho et être le seul surpris de ne voir que des couples gays et qui s'affichent.
7. Les mini-jupes le week-end (c'est l'uniforme des vendredi et samedi soirs)
8. Voir un match de rugby des VI Nations dans un pub
9. Entendre de la bonne musique live (parce que c'est pour ça que j'y suis allé)
10. Entendre de la mauvaise musique live (parce que ça me fait penser que je ne suis pas si à la masse et je reviens avec plus de confiance en moi qu'en partant)
11. Les deux notes en tierce mineure descendante qui annoncent la fermeture de portes sur certaines lignes de métro... Hey Jude...
12. Le mix des voix dans les pubs

Contre-kifs :
1. Le son des guitares acoustiques dans les pubs (toutes super aiguës)
2. Les urinoirs en gouttière dans les pubs
3. Certaines mini-jupes le week-end
4. Demander son chemin dans la rue et s'entendre répondre “Ah vous êtes français”
5. Encore pire : demander son chemin dans la rue et se faire répondre directement en français (vraiment des progrès à faire en anglais)
6. Le décalage “culturel” entre la contenance des verres de bières anglais et la capacité de la vessie française

Regrets :
1. Ne pas avoir trouvé de vrai boeuf qui ne soit ni blues ni jazz
2. Ne pas avoir joué Blackbird à Abbey Road
3. Ne pas avoir écouté les gens d'à côté parler français, les avoir laissés parler, et être parti en leur souhaitant une bonne fin de soirée en français !

Le retour à Avignon n'a finalement pas été aussi difficile que je le craignais. J'appréhendais de tout trouver petit et de déprimer en revoyant les mêmes visages, en jouant les mêmes chansons que deux mois auparavant. Pas du tout ! Plutôt content d'être rentré en fait ! J'ai plein de projets que je ne pouvais pas mener à bien à Londres, donc pas le temps de gamberger ici !

Bizarrement, en revenant, j'ai l'impression d'être parti la veille, que rien n'a changé (en fait, ce n'est pas une impression, rien n'a changé !) Le dépaysement du retour se fait sentir de manière inattendue, genre dans un magasin où je suis surpris d'entendre un vendeur s'adresser à moi en français...

Par contre le retour au boeuf de lundi dernier a sonné la fin de la parenthèse anglaise et le retour à la vie normale. La fin du boeuf plus exactement. J'ai d'abord été agréablement surpris de la qualité des musiciens qui sont venus jouer, et de leur attitude posée, tranquille, détendue ! Je me sentais toujours sur mon nuage londonien, jusqu'à ce que Mamadou vienne jouer deux chansons. Il est noir et chante en anglais. Bonne voix, accompagnement correct, tout va bien. Deux percussionnistes jouaient en même temps, rien d'anormal jusque là. Après deux morceaux, je lui demande si on peut en faire un troisième ensemble, on attaque Wondewall, et à la fin, un gars bourré, sûrement influencé par le mélange chanteur noir-djembé-darbouka, commence à s'écrier : “super Mamadou” et il entonne Saga Africa... Bienvenue au pays des stéréotypes et raccourcis, pas forcément méchants, mais pas forcément agréables non plus.

Plus grave, en fin de soirée, après que j'aie fini de plier le matériel (c'est une image, on roule les cables et on range le matériel dans des grosses boites, on ne plie rien en fait...) une bagarre générale a éclaté devant le bar d'à côté. Baston de fin de soirée entre gars bourrés, les flics qui sont stationnés à deux pas d'habitude sont ce soir curieusement invisibles, plutôt fréquent en fait, jusqu'à ce que quelqu'un sorte un couteau et plante 3 coups dans l'épaule d'un géant avant de partir en courant. Tout le monde se calme petit à petit et la police et une ambulance débarquent 10 minutes plus tard. Un peu refroidi de la fin de soirée, je me prépare à rentrer chez moi et sur la route je croise un alcoolique que je connais (oui je travaille dans les bars) qui me prend à parti gentiment : “t'as vu ce qu'ils ont fait ? Ils ont planté mon collègue ! Mais je sais qui c'est, je vais faire descendre mes potes d'Ardèche, les gars du Front National et on va aller les tuer les arabes...”

Bienvenue à Avignon, Londres c'est fini !

PS : Attention, je ne généralise pas ! Je ne dis pas que Londres c'est le paradis et qu'Avignon est glauque ! En deux mois de Londres, je n'ai probablement pas vu les mauvais côtés et je n'ai peut-être pas croisé la crême avignonnaise lundi soir ! Quoiqu'il en soit, j'ai un petit goût amer après lundi...

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