Je déteste le papier Vichy qui entoure
les tranches de jambon qu'on achète à la coupe chez le boucher.
C'est en particulier lors d'un pique-nique récent que j'ai constaté
que cette aversion pour l'emballage dérapait même en un préjugé
négatif vers le contenu : j'étais presque moins attiré par le
jambon en papier rose que par le jambon sous vide !
Du coup, après une courte mais
nécessaire séance introspective, j'ai identifié un embryon
d'explication !
Quand j'étais petit, les moyens de la
famille n'étant pas des plus élevés, mes parents préféraient
mettre l'accent sur les vacances au ski et les cadeaux de Noël que
sur la variété et la haute qualité de notre alimentation et de nos
vêtements. Pour dire, il m'est arrivé de porter fièrement à
l'école une superbe paire de baskets Air Jordache, et mon frère
s'est retrouvé avec un survêtement Mike sur le dos (on est parfois
aussi un peu passés pour des cons au collège, c'est vrai). Je n'ai
pas été un enfant plus malheureux pour autant, simplement les
priorités différaient parfois de celles de certains de mes
camarades de classe. En contrepartie, il était fréquent que nous
passions deux semaines aux sports d'hiver, hors vacances scolaires,
et comme on assurait assez en classe, on reprenait les cours sans
retard scolaire, mais avec le bronzage en supplément (et là, on ne
passait plus trop pour des cons curieusement)
Bref, j'ai toujours associé
l'emballage Vichy à la nourriture plus chère de la boucherie, et
avec le temps, c'est devenu de la bouffe de bourges qui arborent avec
ostentation leurs signes extérieurs de richesse, qui privilégient
la forme au fond et qui n'ont rien d'intéressant à dire, qui
restent en groupe fermé et qui vous font bien sentir que vous n'êtes
pas du même monde, les salauds.
(C'est un peu le même genre de préjugés
que j'ai développé plus tard au sujet des ingénieurs, mais c'est
une autre histoire...)
A l'arrivée, même si j'ai fait un
pique-nique sans jambon, j'ai au moins pris conscience de mon
intolérance sur ce point et il ne me reste plus qu'à entamer un
travail intérieur de reprogrammation neuro-fonctionnelle
psycho-cognitive et immano-pathologique pour dans quelques années
enfin goûter avec plaisir au jambon de la boucherie d'en bas qui
sera sans doute devenu un Carrefour City ce qui me fera me lamenter
sur ce même blog sur la fin des petits commerces...
Sans aucun rapport, pourquoi beaucoup
de personnes croient faire plaisir aux jeunes parents en disant au
sujet de leurs enfants : « Et bien, avec des yeux pareils, vous
allez vous faire du souci dans quelques années ! » Non, ma
fille ne louche pas ! Ils essaient juste de me complimenter sur sa
beauté. Mais franchement, vous croyez vraiment que les parents
d'enfants moches se font moins de souci à l'adolescence parce que
leurs gamins ont du mal à pécho ? Ils sont certes moins exposés
aux maladies vénériennes et grossesses indésirées mais aussi un
peu plus sujets aux quolibets et brimades, d'où ils développeront
des sentiments d'infériorité ou de supériorité et des désirs
sanglants de vengeance envers les bourges et leur bouffe vichy qui se
la pète... En fait, non je ne suis pas inquiet des beaux yeux de ma
fille...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire