2012-06-04

Jambon et préjugés

Je déteste le papier Vichy qui entoure les tranches de jambon qu'on achète à la coupe chez le boucher. C'est en particulier lors d'un pique-nique récent que j'ai constaté que cette aversion pour l'emballage dérapait même en un préjugé négatif vers le contenu : j'étais presque moins attiré par le jambon en papier rose que par le jambon sous vide !

Du coup, après une courte mais nécessaire séance introspective, j'ai identifié un embryon d'explication !



Quand j'étais petit, les moyens de la famille n'étant pas des plus élevés, mes parents préféraient mettre l'accent sur les vacances au ski et les cadeaux de Noël que sur la variété et la haute qualité de notre alimentation et de nos vêtements. Pour dire, il m'est arrivé de porter fièrement à l'école une superbe paire de baskets Air Jordache, et mon frère s'est retrouvé avec un survêtement Mike sur le dos (on est parfois aussi un peu passés pour des cons au collège, c'est vrai). Je n'ai pas été un enfant plus malheureux pour autant, simplement les priorités différaient parfois de celles de certains de mes camarades de classe. En contrepartie, il était fréquent que nous passions deux semaines aux sports d'hiver, hors vacances scolaires, et comme on assurait assez en classe, on reprenait les cours sans retard scolaire, mais avec le bronzage en supplément (et là, on ne passait plus trop pour des cons curieusement)

Bref, j'ai toujours associé l'emballage Vichy à la nourriture plus chère de la boucherie, et avec le temps, c'est devenu de la bouffe de bourges qui arborent avec ostentation leurs signes extérieurs de richesse, qui privilégient la forme au fond et qui n'ont rien d'intéressant à dire, qui restent en groupe fermé et qui vous font bien sentir que vous n'êtes pas du même monde, les salauds.

(C'est un peu le même genre de préjugés que j'ai développé plus tard au sujet des ingénieurs, mais c'est une autre histoire...)

A l'arrivée, même si j'ai fait un pique-nique sans jambon, j'ai au moins pris conscience de mon intolérance sur ce point et il ne me reste plus qu'à entamer un travail intérieur de reprogrammation neuro-fonctionnelle psycho-cognitive et immano-pathologique pour dans quelques années enfin goûter avec plaisir au jambon de la boucherie d'en bas qui sera sans doute devenu un Carrefour City ce qui me fera me lamenter sur ce même blog sur la fin des petits commerces...

Sans aucun rapport, pourquoi beaucoup de personnes croient faire plaisir aux jeunes parents en disant au sujet de leurs enfants : « Et bien, avec des yeux pareils, vous allez vous faire du souci dans quelques années ! » Non, ma fille ne louche pas ! Ils essaient juste de me complimenter sur sa beauté. Mais franchement, vous croyez vraiment que les parents d'enfants moches se font moins de souci à l'adolescence parce que leurs gamins ont du mal à pécho ? Ils sont certes moins exposés aux maladies vénériennes et grossesses indésirées mais aussi un peu plus sujets aux quolibets et brimades, d'où ils développeront des sentiments d'infériorité ou de supériorité et des désirs sanglants de vengeance envers les bourges et leur bouffe vichy qui se la pète... En fait, non je ne suis pas inquiet des beaux yeux de ma fille...

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