2018-08-25

Ob-la-di Ob-la-da


Ob-la-di Ob-la-da a toujours été un mystère pour moi. Quand je jouais les Beatles en groupe, c'était la chanson la plus demandée, la plus populaire. Et pourtant... OK c'est une chanson sympa, joyeuse, entraînante, etc. Mais pour une chanson des Beatles, elle manque un peu de fond mélodique et harmonique, elle est un peu couillonne, non ? Alors peut-être sont-ce les paroles qui permettent de comprendre sa popularité. Analysons-les avec un peu de mauvaise foi...


Desmond has a barrow in the market place
Molly is a singer in a band

Premier couplet, Paul McCartney nous présente les personnages. Desmond a une brouette au marché (il vend probablement des fruits et légumes dans sa brouette, sinon, c'est absurde, pourquoi est-ce qu'un gars normal irait faire le marché avec sa brouette ? Pour ramener des provisions pour sa famille hyper nombreuse ? Peut-être, mais ça ne cadre pas avec la suite de la chanson, puisqu'a priori Desmond est célibataire et va essayer de pécho Molly, mais désolé, je spoile...)
Molly, elle, est chanteuse dans un groupe.

Desmond says to Molly – girl I like your face
And Molly says this as she takes him by the hand :
Ob-la-di ob-la-da, life goes on, bra
La la how the life goes on

J'avais vendu la mèche : Desmond branche Molly, dans un style plutôt direct et simplet, qui lui vaudrait aujourd'hui une plainte pour harcèlement dans la rue. Mais pourtant, ça marche ! Molly aussi doit être un peu simplette, puisqu'elle lui prend la main et lui chante une chanson à base d'onomatopées à caractère sexuel (bra=soutien-gorge !)

Desmond takes a trolley to the jewellers’ stores,
Buys a twenty carat golden ring.
Takes it back to Molly waiting at the door
And as he gives it to her she begins to sing

En même temps, Desmond le benêt est assez motivé : à peine Molly a-t'elle fini sa chanson qu'il se précipite dans le tram pour aller lui acheter une bague en or chez le bijoutier. Ce garçon est tombé amoureux... À moins que le refrain ne soit finalement une ellipse évoquant l'acte sexuel entre les deux protagonistes et que Desmond, impressionné par la souplesse de Molly veuille la couvrir d'or pour la remercier. En tout cas, Molly l'attend à la porte et une nouvelle possible interprétation prend forme : Molly serait une prostituée et Desmond lui doit sa passe d'Ob-la-di-bla-da. Ce qui ne change rien à la suite de la chanson puisque Molly la simplette se remet à chanter (ou faire des trucs à Desmond) directement après. Bref.

Arrive ensuite le pont :
In a couple of years they have built a home sweet home
With a couple of kids running in the yard
Of Desmond and Molly Jones.

Ellipse temporelle, deux ans se sont écoulés. Finalement, la fonction de la bague devait bien être de sceller leur engagement (fiançailles, mariage...) puisque Desmond et Molly portent maintenant le même nom de Jones. Ou alors, peut-être portaient-ils déjà le même nom auparavant ? Jones c'est plutôt commun en Angleterre ! (Oui, je vois ce que vous allez m'objecter : peut-être aussi, et effectivement, ce n'est pas précisé dans la chanson, que l'action ne se situe pas en Angleterre, peut-être même pas dans un pays anglo-saxon, auquel cas, Jones serait un patronyme beaucoup moins usité. Dans ce cas, la probabilité que deux personnes qui se rencontrent sur un marché portent le même nom serait faible et il faudrait envisager l'éventualité que Desmond et Molly soient de la même famille, frère et sœur, cousins, grand-mère et petit-fils... Cependant, un tel contenu textuel plutôt glauque combiné à une musique guilerette serait pour le moins inattendu chez les Beatles. Oublions donc cette hypothèse.)

Dans ce court pont, une deuxième ellipse a été introduite par l'auteur, poétique cette fois-ci. Comment sinon expliquer qu'en deux ans, ils aient construit leur maison (ok c'est possible), eu deux enfants (toujours possible) qui courent dans le jardin (là c'est plus compliqué, puisque deux enfants = deux grossesses de neuf mois, allez huit mois en cas de prématurité, avec une pause d'au minimum 3 mois entre les deux, en rajoutant le fait que dans sa profession, il est probable que Molly ait usé de moyens de contraception, ce qui diffère encore le démarrage de sa première gestation, tout ceci faisant que le second enfant aurait juste trois mois. Un peu jeune pour courir dans le jardin... Sauf si... les enfants étaient jumeaux ?

Happy ever after in the market place
Desmond lets the children lend a hand
Molly stays at home and does her pretty face
And in the evening she still sings it with the band.

Dans leur nouvelle vie de famille, Desmond se fait aider par les enfants pour pousser sa brouette sur le marché (il a sûrement mal au dos après toute cette maçonnerie) pendant que Molly se maquille (eh oui, deux grossesses en deux ans, ça laisse quelques traces de fatigue sur le visage) pour aller chanter avec ses amis musiciens. Et là, ça commence à faire un peu gros. Qui est cette prostituée qui a deux enfants en deux ans, fait construire (ou construit elle-même, poussons encore le bouchon un peu plus loin) sa maison et trouve encore le temps et l'énergie d'avoir une activité artistique en parallèle ? Oui, évidemment, je me projette dans les personnages, puisque quand j'ai rencontré mon épouse (qui ne vendait pas de légumes, certes), je chantais dans un groupe. Nous avons ensuite eu deux enfants (en trois ans et demi seulement) et acheté une maison (au bout de sept ans seulement) Niveau prostitution, je ne suis pas allé bien loin, j'ai simplement joué occasionnellement un ou deux morceaux de Christophe Maé pour de l'argent. Et même en prenant (beaucoup) plus de temps que Molly pour me préparer, quand je vais faire un gig avec les potes, je mets 3 semaines à récupérer... Ob-la-di Ob-la-da me semble vraiment déconnectée de la réalité. Les Beatles seraient-ils donc un groupe plein d'utopies et de rêves irréalisables ? Seraient-ils hippies ?

Et puis ici c'est l'homme qui garde les enfants et la femme qui va chanter dans un pub, un lieu de débauche et de perdition ? Même à notre époque, ces paroles nous sembleraient séditieuses, alors imaginez en 1968 !

Ensuite, on répète le pont, histoire de bien insister, nous montrer que nous sommes vieux et mous, qu'il n'a fallu que deux ans à Desmond et Molly, et on répète le troisième couplet. Et là, tout s'effondre, plus aucune cohérence :

Happy ever after in the market place
Molly lets the children lend a hand
Desmond stays at home and does his pretty face
And in the evening she's a singer with the band

C'est Molly qui pousse la brouette avec les enfants pendant que Desmond reste à la maison pour se faire belle et va chanter dans le groupe, déguisé en femme. Volonté des Beatles de nous dépeindre un couple moderne, où l'identité sexuelle de chacun est floue, seule compte l'osmose entre les êtres ? Ou critique du milieu de la musique où les performers sont totalement interchangeables sans que le public le réalise ? Ce serait donc une nouvelle allusion à la mort de McCartney, remplacé quelques années plus tôt par un sosie, à l'insu du grand public...

Tout ça n'est pas très clair, et je comprends pourquoi je n'aime pas trop Ob-la-di Ob-la-da, je ne comprends pas les paroles de cette chanson.

À moins que... en lisant les paroles de l'outro :
And if you want some fun, take Ob-la-di-bla-da

"TAKE Ob-la-di-bla-da" ! "Prenez Ob-la-di-bla-da" ! Ob-la-di-bla-da serait alors une drogue qui permettrait (rayez la mention inutile) de :
- mener de front plusieurs vies et avec le sourire
- croire qu'on peut mener de front plusieurs vies et avec le sourire
- croire qu'on a des enfants et un mari et qu'on fait de la musique alors qu'on est en plein trip sur une vieille moquette brûlée par des joints mal éteints et tachée de fluides corporels divers et variés
- changer de sexe

Finalement j'aime bien Ob-la-di Ob-la-da et les Beatles, chacun peut y fourrer ce qu'il veut. Un peu comme là : https://beat.media/an-incorrect-interpretation-of-song-lyrics-ob-la-di-ob-la-da

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