2014-07-02

Crossroads (encore)

Une version révisée d'un vieux texte :

Je n'avais jamais été le genre de type à envisager la violence comme une solution, mais là, j'étais à bout… Depuis cinq ans qu'on tournait soir après soir dans tous les juke-joints de l'état, c'était la première fois que l'atmosphère était aussi lourde et pas seulement à cause de la canicule. Vernon et Stan ne s'adressaient plus la parole, chacun trouvant l'autre trop suffisant et puant. Mais ils s'accordaient au moins à penser que je chantais faux et que mes solos étaient trop conventionnels. C'était vrai, mais cinq ans pour s'en rendre compte… Et maintenant le groupe explosait, ils étaient pressés d'en finir, de retrouver une vie pépère et des horaires de bureau.

2014-05-17

Snapshots from Edimburgh

Après quelques jours passés à Edimbourg, voici quelques arrêts sur image, en vrac.

En Ecosse, pour que le temps soit considéré comme "lovely", il suffit qu'il ne pleuve pas. Peu importe le vent, la couverture nuageuse, la température, si on est sec, c'est qu'il fait beau ! (et la notion de "sec" est à prendre au sens très large, une petite averse de 15 minutes ne compte pas) Pour un touriste du sud de la France, c'est déstabilisant. On croise des poussettes avec des bébés pieds nus et en body alors qu'il fait 10 degrés, au moindre rayon de soleil, tout le monde mange sur les pelouses (bien vertes, bien arrosées), les joggers et cyclistes sont de sortie quel que soit le temps. La pluie fait partie du quotidien, à tel point que même les arrêts de bus se sont adaptés en s'orientant dos à la route (on devrait faire pareil en France, même avec des pluies moins fréquentes)


2014-04-27

Le Troisième Homme


Vous connaissez sûrement tous cette photo de 1968. Il s'agit du podium olympique du 200m des Jeux de Mexico avec, sur les première et troisième marches, les américains Tommie Smith (premier homme sous les 20s) et John Carlos, qui avaient décidé de lever un poing ganté de noir pendant l'hymne américain en protestation contre la ségrégation raciale aux États-Unis. Dans la foulée, ils furent exclus à vie des JO, la charte olympique refusant toute prise de position politique des athlètes.

2014-04-08

Thème et variation (8 ans après)

Ça fait toujours un peu prétentieux de s'autociter, mais vous allez voir que là, pas du tout :

Écrit le 23 mars dernier dans XaBlog : "La vue des rares dents jaunes qui peuplent sa bouche confirme l'odeur."

Lu aujourd'hui dans 1Q84 de Murakami (traduction d'Hélène Morita) : "Par là même il exhiba sa denture désastreuse. Comme des pieux fichés sur une plage battue par une forte houle depuis des jours et des jours, ses dents se tordaient selon des angles variés, tâtonnant vers différentes directions, encrassées de différentes manières."

Tu l'as comprise la leçon d'écriture, là ?

2014-03-31

Mars Ocean

D'ami Facebook en ami Facebook, de partage en partage, on découvre parfois des choses intéressantes au hasard des clics sur internet. Virginie Spies est sémiologue, prof, spécialiste de la télévision, auteur de pièces de théâtre et maintenant aussi de roman. Elle a publié Mars Ocean sous forme de feuilleton sur le web.

Je n'ai pas adoré, je n'ai pas détesté, j'ai tout lu jusqu'à présent (le feuilleton continue), et du coup, méthode des deux colonnes, les pours et les contres... (avec une colonne bonus en prime)

2014-03-23

2 blogs très très classes

Voici deux blogs que je trouve assez géniaux, chacun dans son genre : celui de Zviane, et celui de Baptiste Beaulieu. Bonne lecture !

Ah, vous voulez des exemples précis d'à quel point ces blogs sont géniaux ? Alors voilà ! et voilà plus !

"C'est vrai qu'elle est belle !"

Depuis quelque temps, je traîne sur un site communautaire d'auteurs, WeLoveWords. Chacun peut y laisser ses textes, nouvelles, chroniques, paroles de chansons... et y lire les créations des autres. Ça fourmille de textes en tous genres, des très bons et des très mauvais. J'y ai laissé quelques textes et surtout, récemment, j'ai participé à un concours de nouvelles, lancé à l'occasion de la diffusion du Othello d'Orson Welles dans un cinéma parisien : "Shakespeare et la jalousie"
Il s'agissait d'écrire une histoire autour du thème de la jalousie, qui réponde au format de la nouvelle et qui comporte moins de 4000 signes (et ça, c'est pas facile)
Voilà ma tentative :

2014-03-04

« Qu'est-ce qu'il fout sous la douche, le siège du piano ? »

L'air était plus frais sur le seuil. Il restait là, en caleçon, à profiter de la brise nocturne et du chant des rossignols, et à tirer doucement sur la cigarette. Ils avaient fait l'amour intensément, à grandes goulées, lentes et profondes, joui plusieurs fois et de plus en plus fort, comme s'ils se connaissaient toujours plus intimement au fur et à mesure. Il s'était senti en phase avec l'univers et tentait à présent de prolonger la sensation.

2012-11-27

"Parallélismes inexplicables"

Aujourd'hui j'ai lu à droite et à gauche et comme par magie, tout m'a semblé se lier et se compléter !

J'aime beaucoup Francis Bacon, le peintre (qui n'a aucun rapport avec Kevin). Dans un livre de Luigi Ficacci chez Taschen qui lui est consacré, le premier chapitre qui parle de son oeuvre s'intitule "La poétique de Francis Bacon". C'est illisible. C'est de la critique d'art qui me dépasse complètement mais comme il n'y a que deux pages de texte entrecoupées de grandes reproductions de tableaux qui, eux, me parlent, j'ai relevé le défi d'aller au bout de la lecture.

2012-09-26

Turquetto et Cunningham

J'ai fini il y a quelques jours Le Turquetto, un roman de Metin Arditi. Le Turquetto est un peintre, aujourd'hui tombé dans l'oubli, dont la vie se déroule entre Constantinople et Venise au XVIè siècle.

La première partie est vive, se lit rapidement, presque sans y prendre garde, sans non plus laisser une impression tenace. La deuxième partie, pareil, mais on commence à être pris dans l'intrigue et entraîné par le style, à notre insu. Puis on dévore la suite et on finit le livre à regret, et une semaine après, il continue de vivre en nous, autonome, et à nous hanter la nuit...

Un autre livre que je viens de terminer m'a marqué mais différemment : Le Livre des Jours de Michael Cunningham. A la différence du Turquetto, j'ai eu conscience d'être happé et transformé par celui-ci dès les premières pages.

J'ai acheté le livre aux puces, par hasard, juste intrigué par la quatrième de couverture et il est possible que le plaisir que j'ai eu à le lire ait été augmenté par la quasi ignorance de ce que j'allais y découvrir justement.

Michael Cunningham a écrit il y a plus de 15 ans Les Heures, l'histoire de 3 femmes qui vivent à des époques différentes, liées entre elles par le roman de Virginia Woolf, Mrs Dalloway. Il y avait eu une adaptation cinématographique qui avait cartonné et dont j'avais vu, il me semble, les 20 premières minutes, avant de m'endormir... Si je m'étais rappelé cela en attrapant Le Livre des Jours dans l'étal, jamais je ne l'aurais acheté. Encore une confirmation que les livres sont souvent meilleurs que les adaptations au cinéma. Et puis ça me fait penser aussi de ne plus juger un auteur sur un film tiré d'un de ses romans. D'ailleurs, je pense que je vais rapidement aller acheter Les Heures et le lire. Et Mrs Dalloway aussi, vu l'attrait qu'exerce sur moi le Stream of Consciousness depuis que j'ai lu La Ville et les Chiens de Mario Vargas Llosa... mais là je m'égare en me la pètant un peu, c'est vrai...

Bref, sans vous raconter l'histoire, Le Livre des Jours est encore divisé en 3 parties, avec 3 personnages principaux différents à chaque fois et vivant à des époques différentes, mais reliées entre elles par pas mal de choses comme New York, un bol, des prénoms similaires, Whitman et beaucoup d'autres plus subtiles que je n'ai pas fini de démêler (le bonheur des livres qui continuent de se lire en esprit longtemps après qu'on les ait refermés !)

La première partie se déroule dans le New York de la Révolution Industrielle. C'est sombre, oppressant, tragique, et en même temps poétique et lumineux. La deuxième partie est un thriller terroriste, toujours sur le fil entre suspense et onirisme et la troisième partie est de la science-fiction, mais pas celle stéréotypée dans laquelle l'auteur commence son récit par 3 phrases remplies des mots inventés qui sonnent sci-fi pour bien planter le décor (« Ce matin-là, en se réveillant, il alluma son holotorp afin de vérifier la lumitech. Rien n'avait bougé. Encore une journée à grésiller des neurosynapses sous les trois soleils de Barichda-34 ») Au contraire, tout au long du roman, l'écriture est fluide et naturelle, changeante et adaptée à chaque style littéraire, mais l'ensemble est d'une cohésion troublante qu'on ne perçoit vraiment qu'une fois le livre terminé.

La poésie est omniprésente, par le biais de citations de Whitman, dans la perception qu'ont les personnages de leur environnement, mais surtout dans l'écriture de Michael Cunningham. Parfois même, et surtout dans la première partie, la simple sonorité des mots employés participe presque plus à l'atmosphère que le sens des phrases, le son donne plus de signification que le fond. (j'ai lu le livre en français, il faudrait le lire en VO pour préciser tout ça, mais quoiqu'il en soit, la traduction est géniale, merci Anne Damour)

Quant au fond justement, tous les personnages sont complexes, plus ou moins en fuite, en crise, on ne sait rapidement plus vraiment qui sauve qui, ni comment, ni pourquoi, on se retrouve en tête à tête avec l'émotion, comme devant un tableau. (justement ça me fait penser au Cri de Munch, j'ai été happé par le roman, comme par ce tableau, sans vraiment tout comprendre au niveau du sens, c'était de l'émotion pure...)

En lisant Le Livre des Jours, je me suis justement souvenu de l'émotion que j'avais ressentie en lisant les dernières pages de Lunar Park de Bret Easton Ellis. Des mots et des phrases qui ont un sens, mais dont la juxtaposition donne encore plus de sens que leur signification immédiate. J'ai conscience de parler d'émotion pure, et donc difficile à retranscrire d'une part, difficile à faire partager d'autre part. Il est probable que vous ne serez pas touchés par les mêmes oeuvres d'art que moi et pas de la même manière, mais bon...

En parlant de Lunar Park (que je vais sûrement relire bientôt aussi du coup, tiens !), c'est de l'autofiction. Le héros du roman a le même nom, les mêmes amis, la même vie que l''auteur du livre. On croirait presque que l'auteur raconte sa propre vie. Mais non, pas du tout ! Et encore moins dans Lunar Park qui part « un peu » dans le fantastique. Mais ça me fait penser à la première question de toutes les interviews d'auteurs qu'on entend à la radio ou à la télé : « Quelle est la part d'autobiographie dans ce roman ? Qu'est-ce qui est vrai ? » La question la plus absurde et énervante du monde.

Quatre réponses pour en finir avec ça (toutes plus ou moins la même à l'arrivée) :
  • La note de Michael Cunningham au début du Livre des Jours (éditions Pocket)
  • La préface du Monde selon Garp de John Irving (éditions Points, préface de 1998 par John Irving)
  • L'épigraphe du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson : « Ceux qui ne savent raconter que la vérité ne méritent pas qu'on les écoute. »
  • Et aussi la mienne : « on s'en fout, ce n'est pas parce que le téléfilm de l'après-midi sur M6 est « basé sur des faits réels » qu'il en devient bon ! »

« Mais le Turquetto, il a vraiment existé, dis ? »